Chapitre 44 : Le dernier cérémonial de la secte Shèng Wù.

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Ils faisaient face à un ancien charnier

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Ils faisaient face à un ancien charnier. Plus d'une cinquantaine de squelettes étaient morbidement disposés en cercle tout autour d'un autel en pierre. Lei Diàn, confronté à cette vision horrible, eut un haut-le-cœur. Il avait vu des restes humains dans le temple du désert et sur l'île, mais jamais en une telle quantité ni agencés de cette manière. Il était évident que ces corps avaient été utilisés lors d'un cérémonial pervers. À côté de l'une des victimes se trouvait une immense dague à la lame abîmée, qui avait très probablement servi à ôter la vie de ces pauvres gens. Un mélange de tristesse intense et de dégoût l'envahissait. Il était abasourdi par le niveau d'atrocité entourant la secte Shèng Wù. Trop de morts étaient survenus à cause d'elle. Heureusement, elle avait disparu il y a deux cents ans après cet ultime massacre.

Lei Diàn chercha des yeux Longweï. Celui-ci n'avait pas dit un mot depuis qu'ils étaient entrés dans cette salle. Il se tenait devant l'autel, l'observant en silence. Malgré l'horreur qui s'était déroulée en ces lieux, il ne montrait aucune tristesse ni solennité. Au contraire, ses yeux semblaient briller d'excitation.

— Maître... ? tenta Lei Diàn, surpris par la réaction de la divinité.

Longweï se tourna vers lui, ses pupilles toujours exaltées.

— Tout va bien ?

Le dieu ne répondit pas immédiatement. Il fixa Lei Diàn un instant sans sembler vraiment être là. Puis un grand sourire s'afficha sur ses lèvres, et il s'approcha rapidement. Il enlaça prestement Lei Diàn et le souleva dans les airs.

— Ici, souffla-t-il à l'oreille de son disciple. Elles étaient ici.

Le souffle coupé, Lei Diàn était stupéfait. Longweï pouvait être affectueux, mais il restait généralement mesuré. Sa réaction actuelle était tout sauf pondérée, et le pauvre Lei Diàn ne savait plus où donner de la tête tant ses pensées étaient confuses. Surprise par ce geste inattendu, il le fut davantage encore lorsque ses mains touchèrent le dos du dieu. Celui-ci tremblait légèrement, un comportement inhabituel chez Longweï.

Ils furent rejoints par Shi, qui paraissait tout autant déstabilisé que Lei Diàn par la réaction de la divinité.

— Maître ?

Longweï reposa doucement le jeune homme au sol, sans décoller ses mains de lui, et s'adressa au gardien.

— Je les sens ! C'est léger et diffus, mais il n'y a aucun doute. Elles ont été ici à un moment !

Les yeux de Shi s'illuminèrent également.

— Vos ailes ? s'exclama-t-il.

C'était la première fois que Lei Diàn voyait tant de bonheur sur le visage de Shi. Entre lui et Longweï, tous ses repères étaient chamboulés.

— Mille ans, il m'a fallu mille ans pour enfin ressentir à nouveau leur présence et trouver une piste sérieuse.

Lei Diàn pouvait très bien comprendre ce que Longweï éprouvait. Après tant de siècles de recherches infructueuses, le dieu avait probablement perdu tout espoir. Ce signe, aussi minime soit-il, devait le lui rendre.

— Maintenant, nous devons savoir où elles ont été emmenées. Cela fait tout de même deux cents ans, répliqua Shi, qui avait repris son habituel visage désabusé.

— Comment allons-nous découvrir cela ? Il n'y a que des ossements ici.

— Justement, nous allons leur demander, lui répondit Longweï en désignant les squelettes de la main.

Lei Diàn le regarda d'un air dubitatif. Le dieu était-il devenu fou ?

Longweï se plaça face aux squelettes.

— Qui dit cadavre, dit empreinte spectrale. Il nous suffit de les convoquer et de les interroger.

Le jeune homme commençait à comprendre ce que Longweï insinuait et l'idée ne le réjouissait pas du tout. La divinité se piqua un doigt avec ses dents, laissant couler quelques gouttes de sang sur les dépouilles. Puis, il se positionna au centre, près de l'autel et ferma les yeux. Le silence s'installa, mais rien ne se passa. Lei Diàn observait la scène, perplexe, quand soudain, une légère brume blanche apparut. Elle fut rapidement rejointe par d'autres, jusqu'à former une multitude d'ombres blanchâtres voletant dans la pièce de manière désordonnée.

Lei Diàn, pris de panique, se colla au mur. Certaines de ces apparitions le frôlaient, voire semblaient le traverser. Shi, quant à lui, demeurait debout, immobile et apparemment pas perturbé.

Puis le dieu ouvrit les yeux et tous les spectres s'immobilisèrent dans les airs. Aucune de ces ombres n'avait une forme humaine, elles étaient toutes des sortes de brumes voletantes et intangibles. Elles flottaient, comme en attente de quelque chose.

— Je suis Longweï, Dieu Martial. Âmes honorables, je requiers votre aide.

— C-c-comment P-p-pouvons-nous V-v-vous aider ? commença l'un des spectres d'une voix grinçante et hésitante.

— Je suis à la recherche de l'objet que vous avez vénéré.

— P-p-pas ici, répondit le défunt.

— P-p-parti, continua un autre.

— V-v-volé, finit un troisième.

— Qui l'a volé ?

— G-g-gourou... Qiao Tao Feng... V-v-voleur, meurtrier. Il nous a T-t-trompés ! s'écrièrent les spectres dans une cacophonie effrayante.

— Racontez-moi, ordonna le dieu, sans être le moins du monde troublé par le brouhaha et la colère des revenants.

— S-s-sacrifice ultime... D-d-devions tous mourir... lui... lâche... a F-f-fui.

Lei Diàn commençait à comprendre ce qui avait dû se passer. Le gourou avait sans doute poussé ses disciples à accomplir un suicide collectif afin d'éveiller le pouvoir des ailes. Il leur avait probablement promis de les rejoindre dans l'au-delà, mais au lieu de faire don de lui-même, il avait pris la fuite en emportant les ailes avec lui.

— Est-ce qu'ils savent où cet homme est parti ? demanda Lei Diàn à la divinité.

Sa peur passée, il s'était maintenant rapproché du dieu et observait les spectres.

— Impossible. Ces morts sont liés à cette grotte. Ils ne peuvent pas savoir ce qu'il s'est passé en dehors d'ici.

— Alors comment saurons-nous où il est allé ?

— Nous devons le déduire en posant les bonnes questions.

Longweï se tourna à nouveau vers les spectres.

— D'où était originaire cet homme ?

— C-c-capitale.

— Était-il un simple citoyen ou un noble ?

— Homme aisé, très g-g-grande famille. La g-g-grue est leur emblème...

Longweï les remercia, fit un geste de la main, et les âmes disparurent.

— C'est tout ? Mais nous ne savons rien de cet homme.

Lei Diàn était étonné que le dieu n'ait pas posé plus de questions.

— Au contraire, mon cher Lei Diàn. Nous avons toutes les informations nécessaires. Une seule famille utilise la grue comme emblème, une branche éloignée de la famille impériale, qui fournit depuis des générations les disciples de mon temple.

— Les prêtres et les prêtresses ?

— Oui, mais pas n'importe lesquels, les plus élevés, les moines supérieurs. Les religieux, surtout les plus gradés, sont fortement respectés et estimés par les fidèles. Et pour un gourou sans adeptes, qui semble en plus avoir un égo démesuré, y aurait-il meilleure finalité que de terminer ses jours en tant que décisionnaire dans le plus éminent temple du pays ?

— Il serait retourné là-bas ?

— C'est fort probable. À croire que mes ailes étaient finalement bien plus proches de moi que je ne le croyais. Nous allons devoir retourner à la capitale.

Le Dragon de FuméesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant