Chapitre 58 : Un brusque retour à la réalité

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Longweï se redressa et s'assit à côté de Lei Diàn

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Longweï se redressa et s'assit à côté de Lei Diàn. Il essuyait ses mains avec un mouchoir de soie sans dire un mot. Lei Diàn était encore allongé au sol, le souffle rauque et le cœur battant. Tandis qu'il reprenait ses esprits, son plaisir laissa doucement place à une question obsédante et effrayante. Était-il réellement en train d'halluciner ? Il observa son maître du coin de l'œil. Ce dernier était toujours assis à ses côtés, mais son corps était tourné de sorte qu'il était impossible pour Lei Diàn de voir son visage. Cette position semblait peu naturelle, comme si la divinité voulait éviter son regard. Dans l'air flottait une gêne palpable. Il avala avec difficulté sa salive avant de pouvoir ouvrir la bouche.

— Maître, je suis en train d'halluciner ? Tout ceci n'est pas réel, n'est-ce pas ?

Longweï se tourna enfin vers lui. Son visage était fermé et ses lèvres pincées. Il affichait un air grave. Le dieu secoua sa tête de gauche à droite et la réalité frappa telle une enclume Lei Diàn.

— Non, c'est impossible, vous ne pouvez pas être là, vous devriez être auprès de Shi, tenta-t-il de se convaincre.

Il ne voulait pas croire que tout cela avait été réel et qu'il avait véritablement osé toucher Longweï de cette manière. C'était un acte abominable. Il l'avait sali de ses pensées lubriques et de ses gestes déplacés.

— Lei Diàn, cela fait plus de trois heures que tu as disparu, souffla la divinité.

Trois heures ? La panique gagna le jeune homme. Qu'avait-il fait ? Tremblant et angoissé, il ne put prononcer qu'un semblant d'excuse.

— Maître, pardonnez-moi, supplia-t-il.

Longweï interrompit immédiatement son disciple.

— Ne t'excuse pas, Lei Diàn. Tu n'y es pour rien, dit-il calmement.

— Pour rien ? Mais regardez ce que j'ai fait. Je vous ai... j'ai...

Il n'arrivait même pas à mettre des mots sur son geste odieux.

— Lei Diàn, tu n'as pas à t'en vouloir. C'est moi qui aurais dû te repousser. J'ai profité de ta faiblesse.

Les souvenirs du jeune homme étaient en partie obscurs, mais il se souvenait en effet qu'à aucun moment, Longweï n'avait montré de signe de rejet ou tenté de l'éloigner.

— Parfois, il m'arrive de m'abandonner aux plaisirs de la chair. Mes relations passées étaient le plus souvent avec d'illustres inconnus que je ne revoyais ensuite plus jamais. Cela n'engageait que moi et ne durait qu'un bref instant. Mais toi...

Longweï soupira profondément avant de reprendre.

— Tu es mon disciple et mon protégé. Cela n'aurait jamais dû se produire. Je me suis laissé dépasser par l'ambiance et j'ai profité de toi. C'est moi qui te dois des excuses.

— Vous n'avez pas profité de moi ! s'exclama Lei Diàn.

— Ne dis pas ça ! Tu étais victime d'un hallucinogène et loin d'être maître de tes pensées et de ton corps, répliqua Longweï avec d'un voix légèrement empreinte d'une colère qu'il semblait diriger vers lui-même.

— C'est vrai que je n'étais pas dans mon état normal, mais malgré tout, je souhaitais ce qu'il s'est passé. Maître, en vérité...

Lei Diàn hésita un instant avant de continuer sa phrase. Prononcer ces mots à voix haute lui semblait si difficile.

— Je vous aime.

Longweï observait Lei Diàn sans dire un mot. Son visage n'affichait aucune expression. Le jeune homme, trop gêné par ses révélations, ne pouvait soutenir le regard limpide du dieu. Il ne put que baisser les yeux vers le sol. Il voulait disparaitre.

Ce silence lui sembla durer une éternité.

— Lei Diàn. Ce n'est pas de l'amour que tu ressens pour moi, murmura la divinité avec tristesse.

Lei Diàn releva sa tête rapidement. Longweï avait les yeux tournés vers le ciel nocturne. Entre ses sourcils s'était dessinée une ride soucieuse.

— Tu confonds amour et vénération. C'est tout, continua-t-il sans regarder son disciple.

— Non... Je vous aime vraiment... J'en suis sûr !

— Lei Diàn, je t'ai sauvé la vie et donné une raison de vivre. Sur ce point, tu ressembles bien trop à Shi. Et puis, tu as vécu ces dernières années coupé du monde. Je t'ai couvé et enfermé, tu ne connais rien à l'amour. Il suffirait que tu passes quelques mois avec des gens de ton âge et que tu vives tes propres expériences pour que tu comprennes que tu te fourvoies.

Lei Diàn était pantois. Jamais il n'aurait imaginé que Longweï puisse remettre en question ses sentiments. Lui qui était habituellement si perspicace, comment pouvait-il aujourd'hui autant se tromper ?

Lei Diàn ne connaissait peut-être que peu de choses à la vie, mais il était au moins sûr de ne pas fabuler ce qu'il ressentait pour le dieu. Vexé que ses sentiments soient si peu pris au sérieux, il ne put empêcher les larmes de couler sur ses joues.

Longweï, par habitude, tendit la main vers son disciple pour le consoler, avant de se raviser. C'était comme s'il voulait éviter de le toucher. Ce geste de la part de la divinité anéantit Lei Diàn. Il sentait que son monde était en train de s'écrouler, que sa relation avec Longweï venait de changer.

Le dieu, sans rien ajouter de plus, se releva et invita son disciple à le suivre jusqu'au village. Sur la route, Longweï marchait quelques mètres devant Lei Diàn sans dire le moindre mot. Le jeune homme, abattu, ne pouvait qu'observer son dos. En un instant, il avait détruit tout ce à quoi il tenait.

Ils rentrèrent à la maison du chef du village dans une ambiance pesante. Longweï n'adressa la parole à Lei Diàn que pour l'inviter à se rendre dans sa chambre et pour l'informer que le maître des poissons passerait pour lui donner l'antidote.

Après la visite de Chen Yi Ling, Lei Diàn ne put réussir à fermer les yeux. La pièce lui semblait particulièrement vide, froide, déprimante et il ne pouvait cesser de pleurer.

Épuisé par les larmes qu'il avait versées et par le contrecoup de l'hallucinogène, il sombra dans le sommeil lorsque le soleil apparut à travers les montagnes.

C'est à ce moment-là que quelqu'un se glissa discrètement dans sa chambre.

Le Dragon de FuméesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant