Entourée d'un parc fleuri, la mairie de Neuilly-sur-Seine ne brille pas par son originalité. Peu d'hôtels de ville y parviennent d'ailleurs. Deux tours de chaque côté, trois porches arrondis, une horloge, des statues, des balcons. A croire que le même architecte a sévi partout en France. C'est ennuyeux, administratif. Je me demande comment les maires peuvent penser que ces bâtiments donnent aux gens envie d'y rentrer. Il est 9 heures, la mairie doit ouvrir dans quelques secondes. Avec Marlène, nous arrivons au pied des marches de l'édifice. Je me sens comme devant la montagne que doivent franchir Frodon et Sam. Notre plan est-il au point ? Quel fonctionnaire municipal pourrait croire en notre histoire ? On va se faire pincer puis dénoncer aux flics.
- Mais non Elevin, ça va aller, me dit Marlène pour me rassurer.
Non seulement c'est la meilleure amie que j'aie jamais eue, mais en plus elle lit dans mes pensées.
- Tu dis ça pour te rassurer ou pour me rassurer moi ?
- Heu..., je ne sais pas bien.
On se donnerait presque la main pour courir ensemble et franchir un ravin. Mais c'est encore Marlène qui nous donne le courage de monter les marches.
- Allez Elevin, on ne va pas rentrer chez toi sans avoir essayé.
- Ouais, t'as raison. Respirons un grand coup !
En haut de l'escalier, la porte située sous le porche du milieu pèse une tonne. Je dois pousser de toutes mes forces avec mes deux mains pour l'entrouvrir. Je peste.
- Toujours accueillantes les mairies, alors qu'on paye tout ça avec nos impôts !
Marlène s'engouffre derrière moi. A quelques mètres de la porte, une femme à un bureau. Collier de perles, jupe plissée, mocassins à boucles aux pieds. Je chuchote à Marlène :
- C'est mal barré, des comme ça j'en ai vu des centaines à la messe le dimanche.
- Quoi ? Tu allais à la messe ?
- Mes parents m'obligeaient. Avec ce genre de coincée, on n'a aucune chance !
A gauche, assis à un autre bureau, un jeune homme vêtu d'une chemise à fins carreaux bleu marine relève la tête en nous entendant.
- Lui là-bas, c'est pareil, Monsieur chemise Vichy. Ça vient prier au premier rang, ça fayotte auprès du curé et ça fait des crasses aux autres toute la semaine !
- Ça suffit Elevin ! Concentre-toi, tu vas tout faire rater !
J'avance vers le premier bureau, Marlène en guise de garde du corps. Elle se gratte la gorge et se lance avec une voix de chanteuse d'opéra et son sourire dentifrice :
- Bonjour, le service d'état civil s'il vous plaît ?
La femme lève les yeux de son clavier, nous dévisage de haut en bas, jugeant nos allures, nos vêtements et aussi toute notre vie comme si on demandait l'entrée du paradis. Je n'aime pas ses yeux porcins, ses lèvres pincées. Où ont-ils recruté leur personnel municipal ? Au couvent des oiseaux ?
- De quelle démarche s'agit-il ?, nous réplique-telle en nous toisant.
Marlène se tourne vers moi, je dois prendre le relais. C'est le plan.
- Nous avons besoin d'un accès aux registres des naissances.
- C'est pour votre famille ? Votre nom s'il vous plaît ?
Marlène me donne un coup de coude.
- Non ce n'est pas pour nous, nous voudrions voir un acte de naissance.
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Monsieur le Professeur
RomanceC'est la confusion des sentiments, la main aveugle et délicieuse qui vous pousse dans les bras de l'interdit...