62 - La Gold

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Des oiseaux pépient depuis le fond de mon sommeil. Par la fenêtre entrouverte près du lit s'infiltrent des parfums de soleil et de pinède. Raimondo est déjà levé, je suis seule dans la chambre où pourtant, tout rappelle son étrange présence. Je regarde un instant les quelques objets qu'il abandonne sur la commode : un étui à cigares, les clés de la Mercedes restée à Paris, un briquet S.T. Dupont en argent, gravé de rayons solaires, lourd comme une pierre. Où Monsieur le Professeur peut-il être ? La maison baigne dans le silence. Piquée d'une curiosité inquiétante, je m'habille en vitesse, tout en choisissant ma tenue avec soin : aujourd'hui, programme shopping à Ajaccio avec Amandine. Je ne veux pas ressembler à une journaliste désargentée (ce que je suis quand même un peu). J'opte pour une robe plus habillée et une veste de lin blanche, le tout m'ayant coûté une petite fortune. Je pense en souriant à l'époque pas si lointaine ou quelques jeans et pulls marins peuplaient ma garde-robe. Mais rencontrer Raimondo a exigé une petite mise à niveau. Je remonte mes cheveux en chignon, cela me donne un petit air d'Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (toutes proportions gardées)...

Le silence règne toujours lorsque je descends l'escalier de marbre. L'horloge de l'entrée indique 9h17. Dans le séjour, la servante de la maisonnée, débarrasse le petit déjeuner.

- Bonjour, tout le monde est parti ?

- Bonjour Madame. Ces messieurs sont partis au golf tôt ce matin. Madame Casapolti des affaires à régler. Mais Amandine devrait arriver, car je ne l'ai pas encore vue ce matin, me répond-elle en empilant des assiettes sur un chariot qu'elle roule en direction de la cuisine.

Je me sers un grand café au lait. Un café divin, bourré d'arômes et sans amertume. Dégustant des tranches de pain de mie frais à la marmelade d'agrumes, j'entends des pas dans le couloir. Amandine fait irruption, ses cheveux blonds reflétant la lumière, sa combinaison de soie jaune cintrée grâce à une large ceinture, mettant en valeur ses formes élancées.

- Ah Elevin ! Vous n'avez pas oublié notre journée shopping ?

- Comment le pourrais-je ? Je n'ai de cesse d'y penser !

- Ah tant mieux, tant mieux ! Les hommes sont au golf vous savez ?, me lance-telle en versant du thé noir dans une tasse en porcelaine.

Donc tout le monde le sait, sauf moi.

- Oui tout à fait, Raimondo m'en avait parlé hier.

- Heureusement que vous êtes là ! Sans vous je devrais faire des courses seule, ce serait d'un ennui ! Souhaitez-vous acheter des choses en particulier ?

- Non, rien de spécial. Et puis je ne connais pas le centre d'Ajaccio. Je vous laisse donc l'initiative !

- Ah, je vais vous faire découvrir le Cours Napoléon ! Je dois racheter quelques polos Lacoste pour Cédric. Moi j'irai chez Kooples.

Madame a les moyens, ça c'est sûr. Je pense à la carte Gold que Raimondo m'a donnée hier et qui va me sauver de la banqueroute.

La Mini Austin d'Amandine est garée devant la maison. Elle est tellement propre que je crains de la salir rien qu'en m'installant sur le siège passager. J'ai le sentiment d'essayer une voiture neuve avec un commercial. Pas un grain de poussière sur le tableau de bord, pas une miette sur les tapis de sol. C'est la voiture de Raimondo en plus petit. Les gestes d'Amandine qui démarre le véhicule et enclenche les premières vitesses font tinter les bracelets dorés entrelacés à ses poignets. A ses oreilles, de volumineuses boucles assorties. Sa présence emplit l'habitacle de parfum Chanel. Elle chantonne en même temps que la radio une chanson de Michel Berger. Autour de nous, les pins défilent le long de la route. Amandine chausse des lunettes de soleil aux grands verres fumés. Sur le côté des branches de la monture, le célèbre C de Coco formé de petits diamants. Le C de celles qui peuvent s'offrir sans compter des parfums assortis à leurs lunettes.

Monsieur le ProfesseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant