Chapitre 3 : L'enfer dans des yeux azurs.

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   — Vois-tu comme il est aisé de t'attraper, mon cœur ?

Soïli se figea. Ce ton sensuel et moqueur, cette façon de prononcer chaque syllabes parfaitement, ce subtile accent noble qui embellissait sa diction ; et par dessus tout, ce surnom. Le jeune homme ne cessait de se demander comment l'on pouvait mettre autant d'obscénité en quelques mots. Comment ce monstre angélique pouvait le nommer de manière aussi délicate que dégradante.

"Mon cœur".

C'était poétique, et pourtant cela enragea Soïli. Il serra les dents en tentant de se débattre. Sauf qu'il ne pouvait s'échapper. À la moindre tentative, Gun était en position de casser son bras et à cinq centimètre près, le plus petit risquait de se faire déboîter l'épaule. Il devait déclarer forfait en tapant sur le tatamis ; néanmoins, il n'arrivait pas à s'y résigner. Il ne voulait pas laisser ce détraqué l'humilier une seconde fois ! S'il souhaitait prendre sa revanche, il se devait de trouver une alternative à l'abandon.

   — Ne t'affole pas, trésor. Je vais te relâcher dans quelques instants. Patiente un peu jusqu'ici, veux-tu ?

   — La ferme !...

Gun glissait ses doigts à travers l'élastique de sa proie, défaisant délicatement le nœud, avant de le retirer lentement. Les cheveux de Soïli se libéraient doucement, venant caresser ses épaules et son visage.

   — Ne m'en veux pas, je souhaite simplement te voir danser dans toute ta splendeur.

   — Sale connard.

Gun laissa échapper un léger rire amusé avant de se détacher du corps de son adversaire pour se relever et s'éloigner. Au même moment, Soïli prenait appui sur ses mains afin de propulser ses jambes vers le visage de son agresseur. Néanmoins, il esquiva son attaque avec aisance en inclinant furtivement sa tête.

Le brun se mit sur ses pieds et commença à bouger autour de son rival afin d'essayer de lui donner ne serait-ce qu'un seul coup. Mais il ne parvenait qu'à fendre le souffle et l'ombre du blond.

Gun, quant à lui, observait ses mouvements tel un maître analysait son élève. Il semblait le tester, l'étudier. Il avançait vers lui un peu trop près afin de voir sa réaction, faisait mine de donner un coup pour examiner sa rapidité d'esquive, et restait immobile comme pour compter le temps que son disciple mettait pour arriver jusqu'à lui.

Soïli s'essoufflait et Gun s'amusait. Le premier coup de ce dernier fusa à l'instant où le lycéen fit l'erreur de tenter de s'attacher les cheveux sans élastique, en les enroulant étroitement entre-eux. Le poing atterrit juste en dessous de son nombril, le faisant manquer d'expulser son déjeuner inexistant. Un relent amer le prit à la gorge en même temps que sa chaire semblait brûler de l'intérieur. Il n'avait jamais reçu un pareil impact. Il lui semblait... s'être pris une balle.

Néanmoins, Soïli devait s'habituer à être fusiller car, bientôt, Gun se mettait à le frapper de temps en temps. Il laissait son adversaire attaquer quelques fois avant de conclure en lançant le poing droit sur son buste en un geste vif et invisible. Le jeune Gessner avait de plus en plus de mal à respirer tant son corps n'arrêtait de lui rappeler ses blessures.

Il était piégé à l'intérieur d'une cage face au diable.

"l'Enfer, c'est les autres" dit Sartre. Eh bien Soïli avait toujours pensé que dans ce monde, il était le démon d'autrui, leur bourreau. Certes la vie n'avait pas été tendre avec lui non plus, mais au moins cela faisait plusieurs années qu'il n'avait plus personne pour l'intimider ou le faire trembler de peur. Alors il s'était toujours dit qu'il était le seul diable de la Terre, que le reste de son existence serait paisible tant qu'il parviendrait à être plus fort que les autres et que sa condition. Car, il faut le dire, il possédait une certaine force d'esprit qui faisait de lui un être presque inébranlable.

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