Chapitre 33 : Un isolement luxueux.

28 4 0
                                    

   La voiture s'arrêta sur un trottoir de la Queen street, devant un bâtiment en style grégorien, aux pierres d'un beige un peu grisâtre, derrière lequel s'élevait la pointe gothique du monument Scott. Günther éteignit le moteur et sortit du véhicule une seconde avant Soïli. Ce dernier eut le temps de le voir extraire son sac en cuir du coffre pour le lui tendre, à bout de bras, et sans trahir le moindre signe d'inconfort.

Sans trop pouvoir se l'expliquer, ce geste procura au garçon une sensation étrange, pas vraiment d'inconfort mais pas tout à fait d'émotion. Il ne s'attarda pas sur la question et prit simplement son bagage des mains de Sondheim, se faisant subtilement surprendre par son poids. Ses muscles se contractèrent et il faillit laisser échapper un soupir d'effort le temps qu'il se fût habitué à l'intensité de l'attraction. Günther ferma le coffre, s'adossa une seconde à la voiture et tendit un trousseau de clé à Soïli qui le saisit en n'ayant d'autre choix que de feindre l'aisance en aggripant son bagage à une main.

   — Dernier étage, appartement cinq-cent un.

Par deux fois, Gessner entrouvrit ses lèvres pour poser une question, par deux fois il les referma en réalisant qu'elle n'était pas nécessaire. "Tu ne montes pas ?", "où est-ce que tu vas ?", "quand est-ce que tu rentreras ?", soit Günther lui affirmerait une vérité générale qui ne ferait que l'embarrasser, soit il rétorquerait quelque chose pour éviter de répondre réellement. Dans tous les cas, Soïli se sentirait stupide et pourtant, il avait l'impression qu'il se devait de prononcer une phrase quelconque, comme par convention ou politesse. Il n'avait jamais été très doué pour ce genre de chose alors il resta quelques instants à réfléchir, instants durant lesquels Sondheim le fixait avec intérêt.

   — As-tu besoin que je t'accompagne ? Ironisa-t-il.

Son sac sur son dos, accroché au bout de ses doigts qui écrasait son épaule, et une main dans la poche arrière de son jean, Soïli déplaça le poids de son corps sur une jambe en pliant l'autre en un mouvement de hanche nonchalant.

   — C'est juste que je me demandais s'il y avait des trucs que je devais savoir. Genre des interdictions ou autre.

   — J'estime que tu as vu assez de chose de moi pour que je ne ressente le besoin de te cacher quoique ce soit.

Le discret rictus de Sondheim rendit son affirmation assez déplacée pour que Soïli ne put faire autrement que détourner les yeux.

   — Je vois, marmonna-t-il en tournant les talons.

   — Ne m'attends pas, je ne rentrerai pas ce soir, ajouta Günther d'un ton moqueur.

Le garçon l'ignora et pénétra dans l'immeuble, escalada plusieurs escaliers à la rambarde moulée et serpentante, avant d'enfin arriver au cinquième étage. Il ne possédait que deux portes, assez éloignées l'une de l'autre pour laisser deviner la taille exagérée des appartements, et était illuminé par la lumière blanchâtre qui transperçait les nuages lourds d'humidité, que laissait passer une vitre sur le toit. Soïli glissa la clé qui lui sembla la bonne dans la serrure, la tourna deux fois alors qu'un son claquant s'échappait de l'intérieur puis fit de même un peu plus haut en en pénétrant une autre, plate cette fois-ci, dans un verrou à bouton.

La porte en bois massif sur laquelle était recouvert une fine couche de peinture blanche s'ouvrit enfin et Soïli put découvrir la demeure de Sondheim.

Tout d'abord, un haut plafond blanc enveloppait la pièce en des moulures délicates comme pour contraster avec le parquet aux lattes sombres qui étincelait de son verni. Juste en face de Soïli se tenait un spacieux salon meublé d'un assortiment de canapé et de fauteuil en cuir qui s'accordaient parfaitement avec les bibliothèques chargées qui s'élevaient le long des murs. À gauche, agrandissant la pièce en une large arche se trouvait une cuisine faite de marbre et de bois blanc, et à droite du salon une deuxième arche laissait entrevoir un large lit aux draps blancs et aux coussins gonflés et, à côté de ce dernier, un humble bureau sur lequel était posé une lampe de table et quelques dossiers.

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant