Soïli ne se souvenait plus de ce que le Kovaleski lui avait dit ensuite, son cerveau ayant cessé de fonctionner à l'instant où l'identité de Günther lui avait été révélé. Il avait repris juste assez ses esprits pour quitter le bar et marcher vers la Queen Street et comme une évidence, son corps l'avait emmené en face de son révolver.
Le son court et aigu du plomb contre l'acier raisonna une dernière fois dans l'appartement avant qu'il ne replaça le cylindre de son magnum dans son cadre. Ses yeux étaient ronds de rage, sa respiration contrôlée et ses muscles crispés. Il savait que Günther, ou plutôt, Isaac, devait rentrer ce soir-là. Il le lui avait dit la veille lorsqu'ils discutaient encore sur le lit, yeux dans les yeux et...
Le garçon ne voulait pas s'en rappeler. Plus son esprit le ramenait à ses moments passé avec Sondheim, et plus les mots d'Isaiah les transformaient en vision d'horreur. Il essayait donc de se focaliser sur le mouvement saccadé et impulsif de ses doigts qui ne cessaient de faire tourner le cylindre pour vérifier si toutes les cartouches étaient bien mises et si le mécanisme fonctionnait toujours.
— Une seule balle aurait suffit, mon cœur.
Soïli se retourna vivement et cibla le canon sur le crâne d'Isaac. Il se tenait immobile, à quelques mètres de lui, vêtu de cette même obscurité, sa peau de cette même pâleur et ses yeux de cette même profondeur. Son apparence n'avait pas changé, son timbre non plus et le cœur du garçon encore moins. Il pensait que la simple vu de Günther lui aurait procuré un dégoût extrême et assez puissant pour lui faire presser la détente, mais son corps réagissait de la même façon.
Il se redressa, leva la tête et chercha en lui cette haine qui faisait trembler ses muscles.
— Utilise tes deux mains pour gagner en stabilité.
— Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi.
— Ton discours était bien différent ce matin.
Les images de leur réveil ensemble envahirent l'esprit de Soïli tel un rêve nostalgique. Il repensa à la façon dont il s'était rendu dans la cuisine, levé par la lumière étouffée du jour, et avait constaté Günther, assis sur une chaise haute, qui enroulait un bandage autour de sa taille. Le garçon avait accéléré le pas pour venir l'aider et, alors qu'il se demandait quoi faire, Sondheim s'était simplement levé pour embrasser sa joue avant de lui dicter de s'asseoir pour déjeuner quelque chose. A présent, ce moment n'avait plus aucun sens.
— C'était avant que je sache qui tu étais vraiment.
Les lèvres crispées de rage, Soïli devait user d'un contrôle hors norme pour ne pas s'effondrer sur place, et d'un encore plus tortueux pour sortir une réponse aux travers des nœuds de sa gorge.
— Je ne suis pas moins Günther que je suis Isaac.
— Mais il y a un nom qui t'arranges plus que l'autre.
— Tout comme toi, Indra.
De la confusion, Soïli passa à un sentiment désagréable de vulnérabilité. Comme si... comme si on l'avait mis à nu en lui rappelant le prénom que sa mère lui avait donné. Il n'était pas plus un surnom que l'était "Soïli", mais pas moins une partie de lui. Mais seule Shadée le prononçait, seulement quand ils étaient tous les deux et lorsqu'ils avaient besoin de cette intimité spécial que procurait un secret. Cependant, aux travers des lèvres d'un autre, il lui donnait la nausée.
— Je n'ai rien à voir avec toi, se força-t-il à répondre.
— Alors pourquoi le caches-tu tant ?
— Parce que... !
Sa respiration accéléra, l'émotion commençait à prendre le contrôle sur sa volonté et son bras s'abaissa malgré lui. Il serra sa mâchoire et pointa de nouveau son arme sur Isaac.
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Hédonisme
Misterio / SuspensoÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...