Avant que Günther ne montât sur scène, Soïli eut juste assez de temps pour se préparer dans la salle des Starlettes. On lui tressa deux nattes collés entrelacées de quelques fils d'or, qui s'arrêtaient juste en dessous de ses omoplates ; souligna son regard d'un tracé de crayon noir sur l'intérieur de ses paupières et redessina brièvement ses sourcils.
Puis, le jeune homme pénétra dans une salle remplie de tatamis, simplement vétu d'un short et de bandages étroitement serrés autour de ses doigts ainsi que de la plante de ses pieds. Un homme dans la cinquantaine se trouvait au milieu de la pièce, habillé d'un survêtement sombre, dépassant aisément les deux mètres de hauteur. Ses bras croisés, sa posture droite et son menton relevé fièrement, il dégageait une prestance si écrasante que Soïli se sentit immédiatement intimidé.
Il ne laissa, néanmoins, rien paraître derrière ses sourcils gravement froncés et son assurance qu'il tentait de maintenir convaincante.Le premier son qui brisa cette tension ne vint ni de lui ni de cet inconnu aux cheveux gris mais d'une télé accrochée au mur. Le cœur de Gessner s'affola alors à la vue de Gun que l'on présentait à l'écran. Il faisait tomber naturellement son peignoir or et pourpre afin de découvrir, sans soupçonner le moindre frisson malgré la température extérieure, son buste aussi blanc que les premières neiges mais divisé d'innombrables cicatrices.
Soïli ne pût s'empêcher de penser à ces feuilles de papiers vierges sur lesquelles il cayonnait plus ou moins habilement, quelques semaines plus tôt. Et alors il imagina quelle sensation cela devait procurer de lacérer la peau à l'apparence si impénétrable du diable. Et aussi absurde que cela pouvait être, il ne parvint à figurer une expression de douleur sur ce visage, une goutte de sang s'échapper de cette blancheur ni même un seul soupçon de faiblesse dans ce regard polaire.
Lorsque l'image changea de protagoniste, Gessner se tira de ses pensées inutiles et reprit conscience de l'endroit où il se trouvait et des enjeux qu'il encourait.
Il se força alors à recentrer son attention sur son nouvel entraîneur qui brandissait déjà deux pattes d'ours face à lui, se mit en garde et souffla discrètement afin de canaliser ses tourments.
- Gauche, raisonna froidement une voix grave.
Tournant sur son pied d'appui, Soïli étira son bras et écrasa rapidement son poing contre le cuir en un son claquant.
- Droite, gauche.
Deux violents coups s'abattirent presque simultanément contre la mousse pour raisonner bruyamment dans la salle. L'entraîneur leva un sourcil d'un air hautain que l'on pourrait confondre avec de la déception. Ses yeux constatant la position finale de Soïli semblaient dire « c'est tout ? ».
- Mets y plus d'énergie, c'est au Colisé que tu vas te battre tout à l'heure, pas dans ta cour de récréation.
Gessner serra la mâchoire. Il savait déjà tout ça et là se trouvait bien tout le problème de la chose : il n'avait aucune confiance ou espoir envers ses propres capacités.
L'homme brandit ses mains de nouveau, et se remit à cracher sèchement des directions, attaques et mouvements en ne manquant pas de faire comprendre son ennui à chaque fois.- Ne retiens pas tes coups, petit, je peux encaisser, tu sais ?
Agacé mais voulant garder la tête froide, Soïli se mit à sautiller d'un pied à l'autre en balançant ses bras. Il maintenait un visage concentré et se donnait de plus en plus de mal pour prouver à ce type qu'il avait lui aussi de la valeur.
- Donne moi une vraie droite. Esquive, recule, puch-kick. Dis, c'est pas la première fois que tu boxes, si ?
La lèvre inférieure entre ses dents, le garçon tremblait d'une rage accrue par sa frustration. On ne l'avait jamais rabaissé de la sorte, ou du moins, si peu subtilement.
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Hédonisme
Tajemnica / ThrillerÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...