Chapitre 15 : Qu'un pion de l'échiquier

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Les premières choses qu'appercut Soïli lorsqu'il ouvrit les yeux furent un plafond gris et un lustre à la lumière aveuglante, avant que, petit à petit, il prît conscience que son corps ne le faisait plus souffrir. Cependant, ce n'était pas une sensation de bien-être ou de plénitude mais une sorte de vide total. Que ce fût l'air frais qui caressait sa cuisse légèrement découverte ou l'aiguille qui transperçait la peau de sa main pour venir lui insérer un liquide transparent, il ne ressentait rien du tout.

Légèrement étourdi, Soïli se redressa en tractant son corps à l'aide de ses bras, constatant peu à peu qu'il se trouvait dans une chambre similaire à celle d'un hôpital. On lui avait retiré ses vêtements imbibés de sang afin de les remplacer par un simple short en coton et un haut à manche courte, fendu au niveau du dos. Il remarqua une liasse de billets rouges enroulés et étroitement retenus par un élastique noir. Puis ses yeux se posèrent sur une infirmière qui marchait prudemment vers lui, une feuille posée sur un morceau de carton, entre les mains.

Elle s'assit à son chevet, se penchant doucement comme on le faisait face à un enfant, avant de lui poser quelques questions sur son état. Il répondit plus stratégiquement que sincèrement bien que l'anesthésie troublait son esprit au point où il eut besoin de plus de temps que nécessaire pour prononcer quelques mots. Il craignait d'être maintenu trop longtemps dans cet endroit et de perdre pied avec la réalité si jamais il restait allongé une seconde de plus.

Car là résidait toute la complexité du jeune homme. Bien qu'il possédât une force de persévérance inouïe, une détermination qui le portait où qu'il allât ainsi qu'un courage qui surpassait presque son humanité et la raison pure, il suffisait d'un instant de répis à ses pensées sombres pour le submerger de nouveau. Sa chaire devenait alors similaire à du plomb, son esprit divaguait vers un monde dont seule son imagination avait la clef, et il lui fallait bien plus d'effort qu'il n'avait fourni lors de son dernier combat pour s'en extirper.

Lorsque l'infirmière remplaça l'aiguille enfoncée dans sa main par un pansement transparent, il enfila des vêtements pliés sur une chaise, correspondant à l'uniforme avec lequel il était entré quelques heures plus tôt, glissa les livres au fond de sa poche et retint ses cheveux dans une haute queue de cheval. Il ouvrit ensuite la porte, débouchant sur un couloir du Colisé, éclairé par des lumières artificielles accrochées au plafond, et tomba nez à nez avec son ami. Adossé sur le mur, les bras croisés et dans la même tenue que Soïli, Artième semblait l'attendre depuis un bon moment déjà.

    — Tout le monde sait que Machler place toujours Hans en premier.

Malgré le fait qu'il fût encore victime du trouble de son réveil forcé, Soïli se replongea immédiatement dans les souvenirs de son affront, chassant toutes pensées inutiles de son esprit. Il fronça les sourcils.

   — Et alors ?

Son coach nocturne prit un certain temps pour saisir qu'il n'était pas familier avec le fonctionnement du club. Et passa ainsi d'une expression confuse voire frustrée à l'idée que le lycéen n'eut compris le problème, à une plus détendue et presque coupable.

   — Les duels ne sont pas du pur hasard. Ce n'est pas, comme tu pourrais le croire, un tirage au sort qui détermine qui va affronter qui. Enfin... pas complètement. Une semaine avant sa convocation, chaque club est informé de celui contre qui il va concourir, et trois jours avant ce fameux jour, les coachs de chaque catégorie doivent remettre l'ordre de passage de leurs "poulains". Donc...

Il laissa sa phrase en suspension pour laisser Soïli relier les éléments entre-eux.

   — Donc Aron a fait en sorte que je combatte contre l'autre taré.

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