Chapitre 2 : Le diable dans une cage

77 10 36
                                    

Quand il reprit lentement conscience de son éveil, Soïli sentit une sensation étrange au niveau de son dos ; comme un touché. Il fronça les sourcils et ouvrit immédiatement les yeux. On lui caressait la colonne vertébrale du bout des doigts. Perplexe, le jeune homme se redressa d'un bond et s'assit en tailleur pour faire face à son agresseur.

   — Petite salope cambrante, prononça calmement un jeune homme aux cheveux noirs et à la peau caramel.

Plus qu'irrité d'être insulté dès son réveil, Soïli fut troublé que des mots aussi dégradants furent prononcés par une voix si amicale, joyeuse et sans une once d'hostilité. Alors, perplexe, il ne sût comment ni que répondre et se contenta de fixer ce garçon à la carrure pas bien imposante. Son regard se promena d'abord sur son menton légèrement retroussé, ses lèvres souriantes, son nez rond et ses paupières tombant pour venir brider ses yeux qui disparaissaient presque sous ses pommettes relevées.

Le trait qui le marqua tout particulièrement fut sa bouche. Elle comportait un philltrum si prononcé que Gessner, fidèle à son imagination débordante, se dit que son interlocuteur devait être sacrément bavard pour que l'ange eût à presser son doigt si fort.

   — C'est ce qu'il y a marqué sur ton tatouage, expliqua-t-il avec un soupçon d'accent étranger, "petite salope cambrante". C'est en caractère coréen. Je sais lire le coréen parce que je suis coréen. Donc c'est cohérent que je sache ce que ça veut dire comme je...

   — Qu'est-ce tu fais dans cette chambre ?

L'homme montra du doigt un lit au dessus de celui de Soïli.

   — Je suis ton voisin d'en haut.

Gessner leva les yeux et constata que son matelas faisait partie d'une structure superposée et que, en effet, il y avait bel et bien la place pour une deuxième personne.

   — Je vois.

   — Moi c'est Minam.

   — Soïli.

   — Ça fait salope. Comme ton tatouage.

Soïli soupira et descendit de son lit afin de s'étirer longuement. Ayant vérifié de nombreuses fois la signification de ces caractères avant de les inscrire sur son corps, il ne croyait pas une seule affirmation de ce soi-disant coréen.

   — Où sont les douches ?

   — On n'a pas le temps. Mets ton uniforme, il va bientôt être l'heure.

Il s'apprêta à demander à quoi son camarade faisait référence, lorsqu'il aperçut, sur une table au chevet de son lit, des vêtements pliés : un débardeur blanc ainsi qu'un short noir mi-cuisse. Il les enfila alors, sans trop se soucier de son colocataire qui ne perdait pas une miette de son corps.

   — Même la façon dont tu t'habilles fait salope.

   — Je t'emmerde, Minam.

Le garçon explosa de rire, comme un enfant qui obtenait enfin la réaction qu'il cherchait, tandis que Soïli attachait ses cheveux en attendant que son amusement ne cessât pour qu'il pût lui demander où aller. Minam arrêta finalement de s'exclaffer et sortit de la chambre en sautillant pendant qu'il déclarait :

   — Ah oui, il y a juste écrit "veuillez marquer la bête" sur ton dos ! Je voulais seulement qu'on soit ami plus rapidement haha !

Le nouveau le suivait en silence, se demandant comment toucher et injurier quelqu'un dès la première rencontre pouvait être une stratégie pour développer une quelconque relation.

En marchant dans les couloirs qui étaient à présent encombrés d'individus grands et bien entraînés, Soïli fut pris par l'étrange impression que tous le scrutaient, sans exception. Peut-être était-ce qu'ils ne l'avaient jamais vu auparavant ?

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant