Chapitre 26 : Si la roche avait une conscience

27 7 2
                                    

  Les rideaux opaques avaient été tirés afin d'empêcher les lueurs — aussi faibles fussent-elle — du soleil de pénétrer dans la chambre. Allongé sur le côté, bras et jambes adoptant des positions diverses, Soïli dormait encore lorsqu'un touché vint glisser de son front à son oreille. Il arbora alors une moue de désarroi et entrouvrit une seconde les yeux le temps d'apercevoir le visage amusé de Günther. Il gromella quelque chose d'incompréhensible et chassa ses doigts d'un revers de poignet.

   — Quand comptes-tu te réveiller ?

   — Tu as dis qu'on partait l'après-midi ou le soir, marmonna Soïli d'une voix craquelante.

   — J'ai des choses à faire finalement.

Le garçon soupira bruyamment et ignora ces dernières paroles afin de commencer à se rendormir. Le pouce de Günther ondula sur sa joue puis déforma ses lèvres alors qu'il s'inclinait pour murmurer :

   — Lève toi de suite et nous aurons le temps de récidiver la déclaration d'hier.

Soïli se figea un temps, réfléchit au sens de ces mots et se redressa lentement, les yeux papillotants de fatigue. Quelques minutes plus tard, une pluie — chaude cette fois-ci — s'abattait sur leur corps.

La nudité est l'expression la plus imagée de la vulnérabilité. Et Gessner ne faisait pas exception à cette maxime. Bien qu'il fût habitué à se montrer dans les douches communes du club, face à Günther, c'était tout autre chose. Une pudeur incompréhensible l'envahissait à chaque fois qu'il remarquait avec quelle profondeur le sénior le fixait. Comme si, plus que de voir sa peau, il analysait son âme. Lui qui n'avait pas de complexe bien défini, se retrouvait alors à trouver ses épaules un peu trop molles, sa poitrine trop plate et ses bras pas assez développés.

Cependant, le corps de Sondheim, lui, ne suggérait rien de vulnérable. Sa peau d'une blancheur régulière paraissait opaque et impénétrable, ne rougissant pas même sous le contact de l'eau brûlante. Elle ressemblait à une armure qu'aucune balle ne pouvait pénétrer et qui serait capable de tordre la lame qui essayerait de la transpercer. Et pourtant, plus que d'en être intimidé, Soïli ne pensait qu'à la douceur de leur étreinte précédente.

Les mains de Sondheim glissaient sur son corps, le massant de ce gel parfumé habilement et tendrement. Elles entouraient son cou, descendaient vers ses épaules, puis remontaient sur ses clavicules avant de se faufiler vers sa poitrine sur laquelle s'attardait quelques ondulations sur ses chairs plus sensibles. Ensuite elles traînaient le long de son ventre en exerçant une légère pression au niveau des pouces pour former une ligne creusée avant de se séparer derrière son dos où elles continuaient leur chemin sur ses omoplates et sa colonne vertébrale.

Chaque mouvement enfermait une sorte d'érotisme indescriptible qui entrecoupait le souffle de Soïli. Peut-être était-ce parce qu'il reconnaissait, dans ces effusions, une retenue calculée et dangereuse. Car ces mêmes mains pouvaient arracher la vie à un homme. Une pression trop intense, un geste trop brusque, et il lui brisait quelque chose. Peut-être prenait-il son effroi pour du désir ou peut-être que désirer un tel touché l'effrayait.

   — Tourne toi, lui souffla Günther alors que ses doigts empoignaient sa taille.

Soïli fit donc face au mur et dû y appuyer ses mains pour soutenir son corps alors que Sondheim l'enlaçait par derrière en bousculant sa nuque de ses lèvres.

La jouissance n'est pas l'accomplissement du désir mais son échec. Car le désir ouvre infiniment à l'autre mais la jouissance rappelle l'être humain à sa solitude essentielle. Alors peut-être Soïli pensait-il pouvoir s'arracher de son inclination immorale pour Günther en s'oubliant dans ses soupirs. Cependant, plus le touché du sénior se perfectionnait sur son corps, et plus il s'entendait en réclamer d'avantage.

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant