Chapitre 22 : Si l'enfer était gélif

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Lorsqu'il reprit connaissance, Soïli se trouvait dans une pièce inconnue. Assis sur une chaise en bois robuste, pieds et poings liés, il constata que la seule lumière présente provenait de l'autre moitié de la salle divisée par une baie vitrée. Derrière cette dernière se trouvait un tableau de bord parsemé de boutons, touches et manivelles plus ou moins larges, et encore derrière cet assemblage se tenait une femme aux longs cheveux châtains clairs. Blouse blanche, queue de cheval basse et lunette rectangulaire, elle regroupait tous les stéréotypes d'une scientifique.

   — Je vois que tu es réveillé, siffla-t-elle dans un microphone.

Soïli fronça les sourcils, la gorge sèche d'angoisse et les yeux encore flous de son éveil prématuré. Il avait beau tenter de réfléchir, de lier les éléments entre-eux, il peinait à comprendre exactement comment il avait pu se retrouver dans une telle situation.

   — Te souviens-tu de ce qu'il s'est passé ?

   — J'ai... parlé à un fanatique.

La femme acquiesça de cet air satisfait plus qu'approbateur, crayonna quelque chose sur une feuille déjà noire d'inscriptions et pressa à nouveau le bouton pour activer les haut-parleurs.

   — C'est ça. Tu t'es infiltré dans les gradins, a agressé une personne très influente et t'es fait maîtriser par mes hommes. Puis, on t'a injecté un tranquillisant de force alors que tu te débattait en hurlant au client de te donner plus d'informations. T'en souviens-tu ?

   — Plus ou moins.

La seule chose que Gessner parvenait à saisir concrètement était qu'il avait dépassé les bornes et que l'on s'apprêtait à le punir. Cependant, en se rappelant les seules paroles qu'il avait été parvenu à arracher au fanatique, il redressa fièrement la tête et s'assura que, peu importe son châtiment, il récidiverait assurément pour en savoir plus.

   — Vois-tu, Soïli, tu te trouves sur une chaise électrique. Il y a un câble dans l'accoudoir qui est relié à la centrale que tu peux voir derrière moi, qui permet au courant de se propager jusqu'à toi.

Le cœur du garçon manqua un battement tandis qu'il suivait le fil des yeux, au rythme des explications de la scientifique.

   — T'y connais-tu un peu en électricité ?

   — Pas vraiment.

La femme sourit discrètement, comme si elle tremblait rien qu'à l'idée de pouvoir converser d'une telle chose.

   — Vois-tu, le corps humain est un conducteur actif. Ses muscles, nerfs et fluides corporels contiennent des électrolytes qui permettent le mouvement des décharges. Alors lorsque la peau entre en contact avec un courant, la "vague", comme j'aime l'appeler, parcourt le corps en utilisant ces voies de conduction. Sauf que, tu t'en doutes certainement, l'effet n'est pas le même selon l'intensité, la durée et les conditions dans lesquelles l'électricité se libère.

Elle parlait d'une traite, le regard fixé sur Soïli et les yeux ronds de passion. Ses doigts réagissaient en des sortes de spasmes saccadés et inconscients qui ne faisaient que démontrer l'état de d'extase ou de folie dans lequel elle se trouvait.

   —  En dessous de cinq volts, on ne ressent pas grand-chose à part peut-être quelques picotements ou fourmillements. Entre dix et ving, là déjà tes muscles se contractent tout seul ; au delà de vingt et jusqu'à cinquante volts, ton corps devient comme une plaie ouverte, il te brûle de l'intérieur et la douleur devient particulièrement insupportable au fil du temps. Et si on s'aventure dans les cinq cent, en moins de soixante secondes, il y a contraction du diaphragme et des muscles respiratoires. C'est l'asphyxie ou la syncope bleue. Inutile de te parler de l'arrêt cardiaque, syncope blanche ou des déchirements de tissus si l'on monte à peine au dessus puisque je pense que tu comprends déjà dans quel pétrin tu t'es fourré !

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