Chapitre 37 : L'absolutisme d'un seul homme

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   Soïli avait beau détester le goût agressif et cru du vin, il appréciait tout particulièrement les verres à vin. Il trouvait en leur forme une certaine harmonie avec l'appartement de Sondheim, une cohérence entre ces deux concepts un peu noble. Alors il les utilisaient à peu près pour tout. Lorsqu'il buvait de l'eau, de la bière ou toute autre boisson, il appréciait avoir l'impression que le liquide flottait au dessus de ses doigts, comme si la fine tige transparente n'existait pas, comme s'il ne tenait rien du tout par sa force physique.

Puis, un jour où Madame Cheng (la femme de ménage qui s'occupait également de remplir les placards), avait posé un petit fraisier crémeux et impeccable sous une cloche en verre, dans le réfrigérateur, il eut l'idée d'y plonger son verre à vin afin de se couper une part. L'opération ayant été un succès, il étendit son nouvel ustensile à d'autres fonction. Pour contenir ses carottes ou ses chips à l'intérieur.

Enfin bref, là n'était qu'un exemple un peu futile de la matérialisation de l'ennui qui rongeait le jeune homme.

Après avoir quitté Artième sur cette dernière note un peu étrange, il était rentré à l'appartement sans plus d'informations. Ni sur la "transformation" du Sicilien en prodige, ni sur ces "Kovaleski". La première raison était la claire réticence d'Artième à en parler, la deuxième le manque d'intérêt de Soïli pour ce sujet.

Car pour lui, tout ce qui ne concernait ni Shun, ni Günther, lui était purement insignifiant. Lorsqu'il voyait qu'un sujet déviait de ses deux centres de préocupations, il rebroussait chemin ou priait pour que la conversation s'arrétât au plus vite. Quand bien même les Kovaleski étaient très étroitement liés à son arrivée à Wilson, il ne souhaitait en entendre d'avantage puisqu'il s'agissait là de lui. Seulement, il avait choisi de garder ce nom en tête au cas où sa nouvelle stratégie pour retrouver Shun n'aboutît pas et qu'il dût emprunter une autre piste.

Les jours qui précédèrent sa visite chez Artième, Soïli chercha activement la carte dont lui avait parlé Stuart. Cependant, l'appartement de Sondheim étant pratiquement vide, dans le sens (dénué de tout meuble inutile ou embarrassé), il ne parvenait à visualiser l'endroit où elle pouvait bien se trouver. Il feuilleta chaque livre de la grande bibliothèque, un à un, les secouant un peu dans l'espoir fou de voir en tomber un morceau de plastique ; ouvrit et ferma — sans réel espoir — les tiroirs vides du bureau, retourna les matelas, vida les placards de la cuisines, ceux de la salle de bain et passa l'armoire de la chambre d'amis au peigne fin. En vain.

Finalement, après trois jours de recherche intensives, il avait abandonné. Durant un court instant, il pensa à la réclamer à Günther. Sauf que, non seulement il ne savait quand est-ce qu'il allait revenir, mais il était aussi complètement réticent à l'idée de lui parler de Shun. Peut-être parce que la dernière fois qu'il l'avait fait, en avait découlé une sorte de dispute, ou bien peut-être parce qu'il y avait en lui une sorte de fierté qui lui empêchait de réclamer de l'aide à cet homme presque tout puissant. Comme si Sondheim était une sorte de dernier recours, la solution à tous ses problèmes — un joker.

Sur ce dernier point, Soïli se renfrogna. Depuis combien de temps s'était-il mis à l'idolâtrer ?

Un jour, alors qu'il tentait de faire cuire du riz pour la cinquième fois de la journée, madame Cheng entra pour s'occuper du ménage. Mais, certainement attirée par l'incompétence du garçon, elle posa ses affaires et, sans prononcer un seul mot, avança vers lui, lui prit délicatement la casserole des mains et lui montra lentement comment faire chaque étape. Puis, elle empoigna une poêle large et creuse, fit frir le riz avec des œufs battus, de la sauce soja et des oignons verts, avant de disposer le tout dans une assiette. Soïli l'observa attentivement, silencieusement et respectueusement, admirant l'habileté de la vieille femme.

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