Chapitre 19 : La mélodie d'une victoire amère

28 6 0
                                    

   — Veuillez acclamer... Soïli ! Hurla le présentateur d'une voix croissante.

Le corps fumant, le visage aussi fermé sévèrement que sublimé par le maquillage de ses yeux, le garçon montait sur scène d'un pas décidé. Il escalada les quelques marches de l'octogone en débarrassant ses épaules du peignoir or et pourpre assorti à son bas. Les lumières l'aveuglaient, son cœur battait tout autant que la première fois et ses muscles trépignaient d'une impatience paradoxale.

Apparut alors en face de lui Adam, un Irelandais au regard insistant. Ses cheveux noirs étaient enfermé dans un chignon haut, il dévorait nerveusement ses lèvres pincées et ses doigts frémissaient en des réflexes pulsionnels.

Un coup de sifflet retentit, puis un deuxième, et, à peine le dernier fut-il soufflé qu'Adam se trouvait déjà à moins d'un décimetre de Soïli, le poing fermé et prêt à atterir sur lui. Cette furtivité ne suffit pas à surprendre le lycéen qui le para d'un revers de poignet. Une douleur inconfortable croissa autour de son avant-bras mais il serra la mâchoire et riposta immédiatement avec un coup de pied retourné qu'il parvint à abattre parfaitement sur le menton de l'autre Junior.

Un soupir court et imperceptible s'échappa de ses lèvres, d'abord en raison de son effort mais surtout car il savait qu'il s'était gagné quelques secondes de répis, le temps qu'Adam se remît d'une telle douleur. Alors il avait soufflé là où d'autres auraient tenté d'en profiter pour accabler encore plus leur adversaire.

Enfin, il aurait soufflé si l'irlandais s'était écroulé mais, à sa grande surprise, il ne flancha pas d'un pouce. Ses coups se mirent à défiler rapidement, étouffant Soïli qui ne savait plus où donner de la tête pour se protéger. Un geste pas assez précis, un de trop ou un autre à contre temps pouvaient le mener à sa perte — un seul faux pas et il se retrouvait en enfer.

Cependant, s'il y avait une chose que Gessner avait retenu de son combat contre Hans, c'était bien qu'il fallait parfois prendre de mauvais coups pour en donner d'encore pires. Alors, en sentant un poing se diriger vers son ventre, Soïli attendit à peine qu'il atterît pour contracter ses abdos, glisser sa main derrière la nuque d'Adam et la tirer avec force vers son genou qui rencontra son visage en un choc bruyant. La sensation craquelante des os d'un nez qui s'écrase sous une rotule, mêlée à celle brûlante du sang fraîchement libéré, fit monter en Soïli une adrénaline des plus indécentes, une soif de faire souffrir qui avait dépassé celle, encore plus primaire, de survivre.

Et il dût se mordre la lèvre pour tenter de contenir son excitation et rester concentrer en même temps qu'Adam reculait d'un pas, le visage inchangé mis à part le filet rougeâtre qui s'échappait de ses narines. C'était comme si... il n'avait rien sentit du tout. Mais Gessner ne se découragea pas. A l'instant où son adversaire s'approcha, il sauta sur ses mains afin de rebondir et se mettre sur pied un mètre plus loin. La distance idéale pour qu'il pût étirer sa jambe en longueur pour frapper Adam en dessous du menton. Un coup de cette ampleur pouvait scinder une langue en deux, briser une mâchoire mal protégée et même faire n'importe qui perdre connaissance immédiatement en réponse au choc.

Mais Adam, lui, redressa la tête et sourit. Sourcils gravement froncés, yeux exagérément écarquillés et le nez dégoulinant, ses lèvres luisant de rouge s'était étiré pour découvrir toutes ses dents d'entre lesquelles s'echappaient encore et toujours plus de sang.

A ce moment précis, une seule chose retenait Gessner de fuir : le verrou sur la grille.

Il déglutit, se remit en garde, tenta de chasser ces frissons désagréables qui lui dechiraient le dos, d'ignorer cette voix qui lui hurlait de s'en aller, et fixa son regard empli d'effroi sur cette silhouette qui avançait déjà.

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant