Chapitre 28 : Inconnus pour toujours

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En escaladant les marches de l'octogone, Soïli s'énervait. Il était noyé d'une sorte de ras-le-bol de ces combats insensés, de ces cris repoussants qui l'encourageaient ou le huaient, de ses adversaires qu'il se devait de détester avant même de connaître ou encore de ces liasses rouges beaucoup trop épaisses. Tout le dégoûtait. Mais ce qui le mettait encore plus hors de lui était son incapacité à s'extirper de cet enfer.

On verrouilla la cage derrière lui et le sifflet pût retentir.

Noé, de son corps sec et élancé fut le premier à frapper. Son talon s'enfonca dans l'avant-bras de son adversaire qui protégeait sa tempe, puis il abattit le plat de son pied en plein sternum ce qui propulsa Soïli au sol. La respiration coupée, il ne se releva pas directement et se retrouva donc avec le junior de Brighton au dessus de lui. Ce dernier le roua de coup, atterrissant tantôt sur ses épaules tantôt sur ses avant-bras alors qu'il maintenait une garde serrée et impénétrable.

Voyant qu'il ne parvenait à atteindre sa tête, Noé s'appliqua à briser la position de son adversaire en forçant son bras autour de son cou. Là, il agrippa l'épaule crispée de Soïli pour le retourner face contre terre, en une épuisante lutte de résistance. Alors il pût resserrer son étreinte en dessous de son menton et enrouler ses jambes autour de sa taille afin de le retourner de nouveau. Sa clé de bras et de jambes parfaitement effectuée, il contracta l'entièreté de son corps afin de maintenir Soïli immobile le temps qu'il fallût pour lui faire perdre connaissance.

Il ne restait plus à Gessner que de prendre sur lui et d'attendre. Il avait encaissé passivement les coups, résistant malgré lui de temps à autre, et espérait, le visage rougissant de plus en plus, qu'on ne tarderait pas à le sortir de là. De cette façon, il écourterait son calvaire, exécuterait, tel un parfait automate, les ordres de son coach, et pourrait faire le tour des salles de concerts "invisibles" pour retrouver Shun sans se mettre plus en danger.

Et pourtant, il se surprit à fracasser son coude contre le flanc découvert de Noé. Pris au dépourvu, ce dernier desserra son étreinte et Soïli pût s'en extirper en quelques mouvements copiés de ses entraînements. Il toussota sèchement en se remettant sur pied, arborant une garde de muay thai alors qu'il peinait à reprendre son souffle. Il fixa son regard sur son adversaire et serra son ventre, prêt à se défendre.

Il avait donné une minute trente à Aron pour le faire sortir, des circonstances propices ainsi qu'un temps plus que nécessaire pour s'y résoudre, et pourtant, le coach n'avait rien entreprit. Il lui avait ordonné de "perdre" pour sa propre sécurité soi-disant, et pourtant il souhaitait qu'il se libérât de l'octogone sur une civière, au bord de l'agonie lorsqu'un forfait était tellement moins ravageur.

Soïli avait beau posséder une capacité hors norme à se plier aux règles, à mettre sa fierté de côté et exécuter chaque ordre sans broncher, il souffrait cependant d'une haine contre la moindre forme d'injustice. Cette haine consumait alors sa raison, ses objectifs et ses principes au point où réfléchir aux conséquences de ses actes devenait le dernier de ses soucis.

Ainsi, il s'acharna sur Noé à l'instant où ils se firent face. Il enchaînait les techniques en s'adaptant aux circonstances : dansant sur ses paumes afin de faire tourner des coups de pieds contre lui, glissant sur ses talons pour frapper plus rapidement ou encore étirant ses jambes dans leur longueur afin de faire valser la tête de son adversaire du plat de son pied. S'étant perfectionné dans le combat à distance, Soïli maintenait un écart calculé entre lui et Noé, reculant régulièrement à chaque fois qu'il le voyait s'avancer un peu trop.

Du peu de technique qu'il avait pu entrevoir de ce junior, il était venu à la conclusion qu'il se complaisait dans le corps à corps. Ainsi, il s'appliquait également à le sortir de sa zone de confort afin de le maintenir dans sous son joug. Cependant, Noé s'était révélé plus polyvalent qu'il ne laissait paraître, imitant certaines facultés de Soïli parfaitement, si ce n'était mieux que lui-même.

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