Un millier de balles transperça la peau du garçon comme pour se faufiler jusque sous sa chaire le temps qu'il ne se réveilla. Haletant, une migraine pétrifiante lui arrachant la cervelle, Soïli peinait à respirer au travers du jet puissant que l'on abattait sans pitié sur son corps. Il voulut porter sa main à son visage, pour le protéger d'une telle violence, mais des chaînes en métal lui en empéchèrent. Il détourna donc la tête derrière son épaule qu'il découvrit presque déboîtée par le poids que son corps avait exercé dessus lors de son inconscience, retenu par ses poignées ensanglantés. Alors qu'il tentait de mettre de l'ordre dans son esprit, il ne cessait de se demander si la douleur qu'il ressentait était dû à la pression que l'eau livrait sur sa chaire meurtrie ou bien si elle-même ne lui imposait pas de nouvelles blessures.
Lorsque le jet s'interrompit, il lui fallut un temps pour reprendre son souffle avant d'enfin osé éplucher la pièce du regard. Pas plus de deux mètres carrés, elle était constituée de pierres râpeuses, tachées ou fissurés, du sol au plafond. Les murs étaient sans fenêtre ni tableau, seules des chaînes suspendaient ses bras aux coins, ses chevilles étant allourdis pas une autre sorte de métal qui lui irritait la peau. Une eau poisseuse mêlée de son sang, de sa sueur et de la poussière accumulée, russelait au travers des pierres pour venir s'évanouir dans un trou cadrillé par du bronze.
La seule lumière qui lui permettait de voir, naissait de la porte blindée face à lui, d'où on l'avait arrosé, et où se tenait, à ce moment-là, un homme en blouse blanche. L'entièreté de son visage était camouflée par un masque à gaz par dessus lequel il avait enfilé une combinaison en plastique jaune qui entourait son corps entier. Ses gants à l'apparence trop large pour ses doigts tenaient une tablette en bois et un crayon qu'il griffonnait sur une feuille de papier. Comme s'il eut senti le regard de Soïli lui peser, il leva un doigt pour interrompre le moindre mot qu'il aurait pu vouloir prononcer, puis, enfin, il concentra son attention sur lui.
— Pardonne ton état, il n'y a rien de pire qu'un vêtement dans ce genre de situation.
Soïli ne flancha pas en sentant chaque partie de son corps refroidir peu à peu au contact de l'air. Il n'avait pas besoin de baisser les yeux et de se regarder pour comprendre qu'il était complètement nu ; même la peau engourdie, il aurait pu le deviner par le simple sentiment de vulnérabilité qui l'étreignait depuis son réveil. Alors il fixa son regard dans ce qui semblait être celui de l'inconnu et fit de son mieux pour maintenir un masque de marbre.
— Évitons nous toute convenance inutile, mon garçon, que peux-tu me dire sur les Kovaleski ?
Soïli maintint le silence. Même s'il souhaitait parler, l'état d'effroi dans lequel il se trouvait n'aurait pu le lui permettre sans qu'il ne trahît ses réels sentiments. L'homme soupira gravement. De cette façon pas véritablement déçue à proprement parlé, juste ennuyé. Comme s'il s'attendait à cette exacte réaction.
— Ne m'oblige pas à te punir, ça me ferait vraiment beaucoup de peine.
Le visage de Soïli se crispa tandis que l'eau continuait à ruisseler sur sa peau meurtrie. Ses cheveux gouttaient derrière sa nuque, le long de son dos et jusque dans ses cils mais il avait la gorge sèche. Brûlante.
L'inconnu le fixa une minute durant, l'espoir dans son attente, avant de comprendre qu'il n'en tirerait rien. Son index s'écorchait, à travers le gant, sur la tablette qu'il tenait, à plusieurs reprises, anxieusement. Comme si chaque seconde l'angoissait plus que la précédente, chaque déception, chaque échec. Il fit un pas en avant voulant peut-être ajouter une chose, pourtant se ravisa et sortit en laissant la porte blindée se refermer seule, lentement, le temps de laisser à Soïli réaliser que des bruits entremêlés constituaient l'ambiance d'une... salle de réception.
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Hédonisme
Misterio / SuspensoÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...