Ce fut dans les alentours de trois heures du matin que Soïli ouvrit les yeux. Il lui arrivait souvent de se réveiller durant la nuit lorsqu'il était trop ivre, ayant besoin d'étencher sa soif ou bien de faire circuler un peu d'air frais sur son corps brûlant ; mais il n'avait pas tant bu ce soir là. Il lui fallut donc moins d'une seconde pour réaliser qu'une autre source de chaleur que lui-même s'était immiscé sur sa peau.
Il leva la tête vers Günther qui venait de l'enlacer, et crut le surprendre dans sa vulnérabilité la plus complète avant qu'il n'ouvrit les yeux à son tour.
- Je pensais que tu dormais, souffla-t-il d'une voix bien plus lasse qu'à son habitude.
Soïli parcourut chaque trait de son visage avec avidité, à la manière d'un être sans souvenir et trop curieux.
- Je ne dors pas.
La pièce était plongée dans le noir presque complet, à cause des rayons lunaires qui perforaient les fenêtres dont on n'avait pas tiré les rideaux ; l'air était congelé au point de n'épargner aucune partie d'un corps découvert et le silence pesant du soir fut interrompu par un premier baiser sur une joue châtaigne.
Haletant déjà, Soïli entoura le cou de Sondheim de ses bras un peu lourds de fatigue, et le laissa glisser au-dessus de lui afin de faire danser ses mains le longs de son buste puis les traîner sur le feu de sa peau qu'il dénudait prudemment. Le garçon baissa ses paupières pour mieux se délecter des légers mouvements que les lèvres de Günther pinçaient déjà dans son cou, alors que des frissons s'emparaient de ses muscles.
Il n'avait rien oublié de ces sensations qui le transcendaient tant et pourtant elles lui parurent aussi inconnues que la première fois. Cela pouvait être dû au temps qu'il avait passé sans les effleurer, à son attente trop prononcée qui le rendait impatient ou simplement à l'atmosphère tendue qui flottait autour d'eux. Il faut dire qu'ils avaient à peine prononcé deux mots que, déjà, ils s'étreignaient avec autant de vigueur.
Cependant, en sentant une sorte de maladresse de Günther sur son flanc, il comprit que ce sentiment étranger était en fait né d'une inquiétude qui ne le quittait pas. Les mouvements du sénior n'étaient pourtant pas si différents que cela ; il s'appliquait à le toucher de cette lenteur naturelle, à installer en lui un réconfort brûlant qui se transformait peu à peu en plaisir décomposé. Mais quelque chose n'allait pas. Il ne prenait pas le temps de le regarder, de croiser leur regard ou de murmurer ses fameuses paroles rassurantes quoique rares, auxquelles Soïli tenait tant. Il paraissait... distrait.
Sentant un malaise grandir en lui, Gessner voulut s'apaiser en quittant le cou de Sondheim pour étreindre plutôt son buste encore vêtu de ce qui lui semblait être une chemise. Le sénior laissa donc faire en se pressant contre lui, tout en entrelaçant ses doigts dans les boucles noires. Ainsi mis à l'étroit, Soïli aurait pu retrouver un peu de son calme si une chaleur humide ne commençait pas à envahir sa hanche. Il se figea.
Dans une crispation d'effroi, cette sensation lui parut si familière qu'il en perdit immédiatement son souffle. Chacun de ses muscles se mirent à tressaillir, des frissons lui hérissèrent la peau et son premier réflexe fut de glisser ses mains entre Sondheim et lui afin de le repousser légèrement.
- Tu, sa voix s'étrangla, tu saignes.
Dans un mouvement tendu, Günther se redressa et apporta sa main à son ventre. Puis, sa tête pesant contre l'épaule du garçon, il grinça :
- Putain.
Soïli, la respiration agitée, se tracta hors de lui afin d'allumer la lampe de chevet. Un court soupir incrédule manqua de lui échapper lorsque, en reposant les yeux sur Sondheim, il constata la blancheur extrême de ses doigts contraster totalement avec plusieurs filets écarlates qui l'enveloppaient jusqu'à tâcher les draps en une mare croissante. Le sénior pressait une plaie qui semblait avoir transpercé sa chemise noire, le visage aussi impassible que peut être celui d'un homme à l'agonie. Son teint était plus pale encore, ses lèvres et sa mâchoire crispées, ses sourcils à peine froncés et ses yeux d'un bleu perçant se fixaient sur Soïli malgré ses paupières qui manquaient de se fermer à plusieurs reprises.
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Hédonisme
Mystère / ThrillerÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...