Prologue

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Une embuscade. Pensa Soïli en comprenant que ses camarades ne l'avaient non pas emmené dans ce bâtiment abandonné pour qu'il affrontât un groupe de "petits voyous" du lycée voisin mais toute une horde d'adversaire.

Il les avait suivit sans trop réfléchir, alors qu'il sortait de son cours de littérature, espérant se faire - comme à son habitude - un peu d'argent de poche avant de rentrer chez lui. Mais voilà qu'une dizaine d'adultes armés de battes de base-ball, tuyaux en fer, matraques et bâtons épais l'encerclaient sans qu'il pût ne serait-ce qu'envisager de s'enfuir.

S'ils souhaitaient l'anéantir, se disait-il, il n'allait pas leur facilité la tâche. Alors il chassa, ou du moins ignora, la crainte qui lui dévorait les entrailles, la remplaça par cette rage qui lui bouffait le crâne depuis ses douze ans, et adopta une position de défense en cherchant lequel serait le plus susceptible de l'attaquer en premier. Ses longs cheveux aux boucles noirs retenus en une queue de cheval, sa frange épaisse menaçant d'en sortir et son uniforme pour seul protection, il se persuada qu'un simple passage à tabac ne pourrait pas le tuer.

Un premier homme se rua vers lui. Il para son coup de fer de son avant-bras, grinça les dents d'inconfort, et répliqua en enfonçant son poing dans l'estomac d'un autre. Puis, apercevant quelqu'un courant en sa direction, il se retourna immédiatement afin d'abattre son talon droit sur la tempe de son opposant. Mais Soïli eut à peine le temps de le voir se faire propulser au sol qu'une tierce personne frappait déjà une énième arme sur son flanc. Il ne pût que la prendre de plein fouet, n'ayant pas été assez rapide pour la barrer. Un grognement plaintif s'échappa de ses lèvres et il voulut se retourner pour se défendre lorsqu'un second coup atterit dans le bas de son dos.

Il faillit perdre l'équilibre et tomber à genoux mais se fit violence pour rester sur pied le temps d'accabler un type armé d'un morceau de bois, de ses poings. S'il voulait limiter les dégâts, il allait devoir commencer à utiliser sa tête. Ainsi il s'accorda moins de deux secondes pour se débarrasser de l'autre, avant de déjà se retourner pour empêcher les nouveaux arrivant de l'attaquer par derrière. Même si ses coups ne les mettaient pas au sol, même s'ils se relevaient immédiatement ou revenaient à la charge pas même une seconde plus tard, Il se devait de surveiller chaque geste, de limiter l'impact de chaque coup, quitte à accepter en recevoir en pleine face.

Au bout d'un moment qui lui parut une éternité, la cadence ralentit. Tous avaient fait un pas arrière pour reprendre leur souffle. Soïli se tenait douloureusement la côte droite, la respiration presque sifflante et chaque passerelle de son corps complètement endolories. Il moucha son nez sanglant dans sa manche humide de sa sueur, et lâcha au sol sa veste à l'enseigne de son établissement, sa peau brûlante d'effort malgré la température glacée de mi-septembre.

- Ramenez-vous, bande de salopes, grinça-t-il.

Ni une ni deux, ses adversaires se précipitèrent vers lui et le tabac put recommencer. Cependant, à trop prendre de coups, Soïli en venait à faire des erreurs. Sa vue se brouillait, certains de ses doigts ne lui répondaient qu'à moitié, trop engourdis pour se fermer correctement, et ses muscles tremblaient de tant d'effort.

Jamais, de tous les combats qu'il avait pu faire de son vivant, il ne s'était retrouvé dans un état aussi pitoyable. Et pourtant, plus que les ecchymoses violettes qui boursouflaient sa peau brune, que les fissures qui divisaient sa lèvre et son arcade sourcilière et que sa sueur qui lui piquait la peau, c'était l'état de ses cheveux qui le préoccupait d'avantage. Ils n'étaient à présent plus qu'une touffe emmêlée et difforme qui l'aveuglait de plus en plus. Mais la vraie raison de son agacement résidait dans le fait qu'il en eût pris extrêmement soin toute sa vie, et que ces types qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam se permettaient d'endommager.

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant