Chapitre 42 : Un amour pour en remplacer un autre

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   Ce fut dans les alentours de minuit que Shun acheva sa prestation. Soïli dut cependant attendre quelques minutes supplémentaires qu'il se changeât dans les coulisses et communiquât quelques informations aux autres musiciens avant d'enfin pouvoir poursuivre leur conversation.

Ils s'installèrent à une table située dans le carré insonorisé attribué aux prestataires, près de leur loge. L'artiste apporta deux bières ainsi qu'une boîte remplie de burgers, frites et autres nourritures rapides qui étaient apparemment attribuée à chaque groupe. À la lumière plus claire — bien que tamisée — de la salle, en contraste avec celle clignotante et aveuglante du reste de la boîte, Soïli put observer son ami avec plus de précision.

Autour de ses yeux bridés étaient restées quelques traces noirâtres de maquillages qu'il avait dû vouloir effacer sans trop de conviction, son nez possédait toujours cette courbe qui tombait vers le bas tout en contrastant harmonieusement avec ses lèvres à l'arc de cupidon prononcé et dont les comissures étaient déchirées par ses grimaces précédentes. Ses joues un peu creusées, sa mâchoire raffinée et ses cheveux raides qui s'éparpillaient autour de son visage, il dégageait ce charme insolent que Soïli lui avait si longtemps envié. Son cou ainsi que le début de sa poitrine étaient découverts à cause du haut à manche longue qui épousait son corps uniquement à partir de ses épaules, c'est-à-dire en laissant ses clavicules révélées, et en s'arrêtant au début de ses mains délicates.

   — Comment tu me trouves ?

   — Trop sexy, avoua le garçon.

Shun étira un large sourire en se trémoussant un peu, à la manière d'un enfant à qui l'on promet une sucrerie, et saisit un burger de ses doigts vernis de noir. Cette réaction amusa Soïli en tant qu'il en avait presqu' oublier pourquoi il l'aimait tant.

   — J'ai mon groupe de rock maintenant.

   — J'ai vu ça, rétorqua-t-il en riant un peu.

   — Tu es fier de moi ?

Gessner prit du temps à formuler une réponse bien qu'il connût la nature anxieuse de son ami. Il savait que plus la pause s'allongeait, et plus Shun réfléchissait et redoutait. Il le fixait avec des yeux ronds, d'un air si expressif que ça en devenait communicatif.

   — J'aurais préféré que ça se fasse en d'autres circonstances.

L'artiste soupira un rire offusqué.

   — Eh bien tu n'avais qu'à pas te casser du jour au lendemain !

   — C'est toi qui est parti sans rien dire.

   — Moi ?!

   — Oui, toi. Je t'ai attendu des heures dans le froid et t'es jamais venu. Et lorsque je suis allé chez toi, il y avait que dalle donc en quoi est-ce que je suis celui qui est parti ?

Le visage de Shun se crispa gravement, comme si on lui faisait la pire des offenses, tandis que Soïli avait le cœur battant d'émotion.

   — Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je t'ai prévenu que je devais déménager et on a annulé le rendez-vous ! Alors oui c'était à la dernière minute, mais tu étais au courant ! Et puis c'est pas une raison pour partir d'un coup comme ça !

Le garçon se figea, la respiration irrégulière.

   — Non, tu ne me l'a pas dis.

   — Tu déconnes là ? Je t'ai littéralement appelé le soir même, tu as décroché et on s'est mis d'accord pour reporter à une autre fois !

Soïli ne répondit rien pendant un certain temps. Dans son esprit fusaient tous les événements de ce fameux jour, plus confus les uns aux autres. Puis il se souvint de la véritable raison de la disparition de Shun, à savoir, son inscription au club, et il commença à y voir plus clair.

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