Hédonisme

Chapitre 36 : Le courant d'une nouvelle air

   — Bien dormi ? Interrogea Stuart.

Soïli se redressa d'un bond, les yeux ronds d'effroi alors qu'il ne pouvait que remarquer qu'ils se trouvaient tous les deux à moitié nus, dans le même lit. Il avait beau tenter de se rappeler les événements de la veille, tout lui paraissait flou et incohérent. Ses souvenirs fiables s'arrêtaient à la fin de leur conversation sur Günther et les cartes, mais après cela ? Il n'en savait rien.

   — Que... qu'est-ce qu'il s'est passé ? Souffla-t-il de cette voix brisée et grave caractéristique du matin.

   — Hier soir ? Beaucoup de chose. Entre toi et moi ? Absolument rien.

Une vague de soulagement envahit Soïli à un point où il ne pût s'empêcher de laisser échapper un long, très long soupir. Son corps était désagréablement chaud, comme s'il avait passé la nuit près du feu, et pourtant il avait extrêmement froid. Sa gorge lui était un peu douloureuse, de cette sensation annonciatrice d'une grippe à venir. Alors il étouffa un tousottement aux soupçons quinteux et commença à arranger ses cheveux qui, trop gonflés, génaient son champ de vision et chatouillaient ses épaules.

   — Je suis bien trop jeune pour mourir, chéri.

Soïli ignora ces dernières paroles, ne pouvant s'empêcher de se sentir mal à l'aise par cette situation. Et sortit du lit afin de ramasser ses habits, alors qu'un vertige inconfortable le submergeait un temps. Il prit sur lui et enfila son jean, en faisant de son mieux pour agir naturellement malgré le regard pesant de Stuart derrière son dos.

   — Pourquoi tant de précipitations ?

   — Je dois aller quelque part.

Sinclair se redressa en prenant une profonde inspiration. En se retournant, Soïli le vit plonger ses mains dans ses cheveux en affichant une expression de douleur sur son visage un peu enflé.

   — Prends au moins une douche, je t'accompagne de toute façon.

   — Comment ça ?

   — Tu vas à ton ancien lycée, n'est-ce pas ?

Stuart fixa son regard sur le garçon alors qu'il laissait la couette glisser le long de son torse un peu plat et à peine musclé.

   — On en a parlé hier soir et tu voulais que je vienne avec toi.

Le visage crispé d'incompréhension, Soïli prit un temps pour tenter de s'en souvenir mais un mal de crâne atroce le prit alors il rebroussa chemin. Cependant il ne comprenait pas pourquoi il parvenait à se rappeler qu'il devait y retourner alors même qu'il ne pouvait situer exactement quand est-ce qu'il avait pris cette décision. C'était comme si... elle avait été inscrite en lui et que rien n'importait plus que cela.

   — Si tu le dis.

Peu après, Stuart lui indiqua la salle de bain et lui donna une tenue un peu snob, refusant catégoriquement qu'il remît ses vêtements de la veille. Étant donné qu'ils faisaient à peu près la même taille, l'ensemble scia presque parfaitement Soïli qui prit bien plus de temps pour s'occuper de ses boucles. Il avait dû mettre environ deux heures à se préparer, mais il dut attendre une de plus avant que Sinclair ne le rejoignît.

Ils embarquèrent ensuite dans une voiture à la carrosserie impeccable, conduite par un chauffeur muet et raide comme un piquet, avant d'atterrir enfin devant le lycée. Les deux hommes sortirent du véhicule, une sucette offerte par l'employé entre les lèvres, et s'y adossèrent. Là, ils durent patienter une demi-heure environ avant que la cloche ne sonna le dernier cours de l'après-midi.

Étrangement, Soïli était nerveux. Il y avait en lui une sorte de chose désagréable qui semblait lui dévorer les entrailles. Voir ce bâtiment dans lequel il avait passé tant d'année lui était insupportable. Peut-être parce qu'il avait l'impression d'être retourné à la case départ, ou bien peut-être parce qu'il constatait qu'en trois mois, rien n'avait changé. Lui, s'était fait battre, torturer et menacer durant des jours et des jours au point de muer en une chose qui lui était encore inconnue. Mais ici, tout demeurait exactement comme dans ses souvenirs. Et ça, ça le bouffait réellement.