Que ce fut le fait que Soïli eût emporté les listes au Colisée avec lui pour la première fois, qu'il voulût penser à autre chose que son combat à venir ou qu'il eût tout simplement besoin d'espérer encore un peu - rien ne pouvait expliquer exactement pourquoi, à ce moment précis, il les avait dépliées.
Il devait forcément il y avoir une explication plus rationnelle, qui relaterait d'une force supérieure à l'instinct, qui se cacherait peut-être derrière la théorie irrévocable de l'inconscient. En tout cas, ses doigts avaient bel et bien glissé dans sa poche, ouvert quatre fois les feuilles de papier et passé les trois premières afin de venir constater, au milieu de la dernière, ce qu'il attendait plus que tout.
Son cœur s'était arrêté de battre pendant un très court instant, le temps qu'il lui fallut pour réaliser ce que cela signifiait, le temps qu'il lui fallut pour se rendre compte qu'il devait passer à la deuxième étape de son plan. Ainsi, il fonça hors de la pièce attribuée aux juniors, alors qu'il était censé se préparer pour son entrée et longea les couloirs à toute allure jusqu'à déboucher dans celle des séniors. Là, tous les yeux se braquèrent sur lui. Ce n'était pas les regards habituellement agacés ou curieux dont il avait l'habitude ; mais ceux intimidants que seuls ces hommes de deux mètres, à la carrure surdeveloppée, pouvaient lancer.
Pourtant, il ne les remarqua qu'à peine, trop occupé à chercher activement son associé, lorsque ce dernier se redressa calmement pour le fixer en retour. Alors Soïli se précipita vers lui et, le visage déformé par l'urgence d'un homme à l'agonie, balbutia :
- Laisse moi combattre à ta place.
Hilarité générale et étonnamment luxueuse. Un faible soupire agacé s'échappa des lèvres de Günther alors que Cain s'amusa à le taquiner.
- Ton garçon a perdu la tête ?
Gessner l'ignora, suppliant Sondheim d'un regard déterminé.
- Suis-moi, ordonna ce dernier en avançant vers l'extérieur.
Sur ses talons, Soïli tremblait d'impatience. Celle qui enveloppe un corps d'une électricité si agressive que l'éteindre devient le seul but du martyr. Gun s'arrêta à quelques mètres de la porte, le visage fermé sévèrement.
- Répète l'idiotie que tu viens de lâcher et argumente la.
- Celui que tu vas affronter, Shun, il faut que je le voie et je ne sais pas si j'aurais l'occasion de le faire après le tournois. Je ne sais pas où il ira, ni si je le reverrai et si je ne le revois pas... si je ne le revois pas je...
Il s'interrompit, trop submergé pour terminer sa phrase. Rien que d'imaginer le pire scénario suffisait à lui donner la nausée. Alors il serra ses lèvres entre elles et fusilla Günther du regard en espérant qu'il eût saisit l'urgence de sa situation. Sauf que ce dernier lui répondit de cette aura froide et insensible qu'il arborait lorsque sa contrariété dépassait l'entendement.
- Dans un endroit tel que celui-ci, on gagne une fortune à te laisser mourir, Soïli.
- Je ne risque rien du tout avec Shun.
Un fou ignorant sa nervose ne peut que prendre les discours raisonnables pour de la folie. Ainsi, Sondheim cessa toute argumentation pour ordonner :
- Peu importe. Je refuse que tu prennes ma place.
Soïli engouffra ses doigts dans ses cheveux, s'énervant avec plus de démonstration. Sa respiration accéléra et il dût se dévorer la lèvre afin de ne pas se laisser emporter au point de commettre l'irréparable. A ce moment précis, tout ce qu'il désirait, fut que son magnum remplaçât les listes dans sa poche.
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Hédonisme
Mystery / ThrillerÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...