Chapitre 7 : le serpent de la tentation

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   — Gun, laissa échapper Soïli.

Ni une, ni deux, le jeune homme se précipita vers la sortie malgré les exclamations indignées des femmes. Il longeait les couloirs à toute allure, prenant des directions hasardeuses et des escaliers inconnus, guidé par un élan d'entêtement inébranlable.

Bien qu'il ne comprît pas comment l'homme qui hantait toutes ses nuits avait pû se déplacer aussi vite, Soïli ne se laissait pas abattre et continuait ses recherches activement. Il faisait demi-tour tant de fois qu'il en avait le tournis, ouvrait tant de portes que son poignet s'était imprégné du mouvement et ses pieds simplement bandés étaient si épuisés par cette course sans relache qu'il sentait les pulsations de son cœur à travers.

Ni son corps, ni son esprit ne pouvaient supporter l'absence de Günther une seconde de plus. Il rêvait de lui toutes les nuits, pensait à lui tous les soirs et fantasmait tous les jours à l'idée de le voir. Et son cœur battait si fort, si bruyamment et si violemment... qu'il aurait pu prendre son immense rage pour de l'amour.

   — Me cherches-tu, mon cœur ?

Soïli se figea en pleine course. Sa poitrine qui s'agitait violemment cessa d'un coup et ses muscles enflammés par l'effort tressaillirent par cet arrêt si soudain. Seuls ses yeux se déplacèrent instantanément pour se plonger dans l'océan de pupilles. Son corps finît par suivre et, enfin, il se retrouvait face à l'objet de ses tourments. Il avait attendu ce moment depuis si longtemps. Et pourtant il n'arrivait plus à organiser ses pensées pour aligner ne serait-ce que quelques mots.

Le fait était que le regard azur le déstabilisait. Que ce fût le rictus moqueur qu'il esquissait, ou bien sa posture impeccable synonyme de son calme habituel, tout trahissait que son absence était sa propre œuvre. Il s'était appliqué à abandonner Gessner à toutes ces nouvelles sensations insuffisantes et honteuses, calculant chacun des jours de façon à ce que sa proie finît par lui courir après. Il avait voulu qu'elle le trouvât comme pour lui supplier de l'achever, comme si l'état agonisant dans lequel il l'avait laissé la mettait dans un désespoir tel que la résignation devenait le seul échappatoire possible.

   — Ta beauté est époustouflante, trésor.

   — Où est-ce que tu étais ?

   — T'ai-je manqué tant que ça ?

   — L'autre jour, tu es parti avant même que je puisse t'imposer ma condition.

Sauf que la stratégie du sénior n'aurait été possible que si le désir avait été le seul lien entre eux deux. Alors, à moins qu'il ne devînt qu'un prétexte pour Soïli, jamais ce dernier ne le laisserait guider ses pas.

   — En effet.

   — Je veux la liste de tous les combattants que toi et tes coéquipiers avez affronté ces deux derniers mois.

Günther souffla un rire. Soïli se tendit. Il détestait son air condescendant et si hautain, sa manière de sourire à tout et de s'amuser en toutes situations. L'enjeu de sa survie ne représentait-il qu'une blague à ses yeux ?

   — Est-ce tout ?

   — A chaque fois que les seniors devront affronter d'autres écoles, je veux que tu récoltes les listes de tout le monde et que tu me les apportes.

Soïli se disait que si Shun s'était bel et bien retrouvé dans un club de cette ville, ce n'était certainement pas celui de Wilson, sinon, il l'aurait su. Alors il s'était probablement engagé dans un autre quartier. Et, puisqu'il se trouvait dans la vingtaine, il devait avoir atterri dans la même catégorie que Gun.

   — Dis moi pourquoi tu as besoin de ces feuilles absurdes.

   — Je n'ai pas posé de question sur ta demande, fais-en de même.

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant