Chapitre 9 : Jalousie algide

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Trois jours s'écoulèrent depuis la cérémonie d'entrée des novices et la fameuse nuit avec Artième. Ayant été témoin d'un net progrès, Soïli redoublait d'effort : il se donnait à fond matin et soir et ne pensait plus à rien d'autre qu'à évoluer. Néanmoins, son mentor était devenu plus violent, cru et sévère. Peut-être avait-il jugé que, pour que le jeune homme pût monter en niveau, il fallait intensifier les cours ?

Dans tous les cas, Gessner souffrait drastiquement. Lui qui était enfin parvenu à établir une régularité dans son esprit, à adapter son corps à cette routine éprouvante, se retrouvait à l'étape initiale : si épuisé que, souvent, il ne trouvait plus la force de se changer. Il lui était même arrivé, une fois, de s'endormir sur les tatamis ; cette nuit là, Artieme avait dû le ramener dans son lit.

Pendant les tournois journaliers inter-coéquipier, Soïli ne participait que très peu. Il observait surtout son professeur aux yeux de jades afin de saisir sa technique et comprendre la pertinence de ses mouvements. Puis, une fois l'avoir minutieusement admiré, il rentrait dans l'arène pour se retrouver tout aussi vite la tête contre le tapis. Artième était indéniablement plus compétent que lui, et même s'il savait que la défaite était inévitable, il se devait de tenter de mettre en pratique les techniques qu'il avait découvertes la veille.

Ainsi, il n'affrontait personne d'autre que son aîné et alors la motivation qui l'avait submergée à la suite de son premier exploit commençait déjà à le quitter peu à peu.

   — Je stagne.

Assis sur les tatamis, à la suite d'un énième échec face à Artième, Soïli laissait le mur frais soutenir son corps encore brûlant et humide de ses efforts passé. Son mentor pressa une bouteille d'eau fraîche contre sa joue, le faisant tressaillir de surprise et d'inconfort. Il la prit néanmoins en main, puisant dans ses dernières forces pour lever son bras qu'il laissa lourdement retomber le long de sa jambe étendue.

   — Laisse toi du temps, lui conseilla Artième.

   — J'en ai pas. Les tournois à l'arène commencent la semaine prochaine et je suis pas foutu de m'améliorer.

   — T'as pourtant réussi intercepté mon coup l'autre jour... et mon baiser (il marmonna ces derniers mots).

Soïli soupira bruyamment et ferma les yeux.

   — Oui mais c'est arrivé une seule fois et depuis, je me prends toutes tes attaques comme un con et j'arrive même pas à en contrer une seule.

   — Je retiens plus mes coups, c'est pour ça que c'est plus difficile.

Il prit la bouteille d'entre les doigts de Soïli et l'ouvrit pour la lui rendre. Ce dernier l'apporta à ses lèvres pour laisser l'eau se déverser dans sa gorge quelques temps.

   — Parce que tu penses que les gens dans l'arène retiendront les leurs ?

   — Écoute, t'as pas mal de chance de te retrouver contre quelqu'un d'un niveau inférieur au mien donc...

   — Artième.

Gessner le fixait avec rage ; son aîné y répondit par une expression interrogée.

   — Je suis pas un gamin. Dis moi clairement ce qui ne va pas.

Artième sembla hésiter un instant, avant de se résigner à satisfaire le novice.

   — Je ne sais pas si tu l'as remarqué mais ton niveau à minuit et celui à midi sont complètement différents. La nuit t'es une vraie machine, ton style est tellement soigné et tu progresses de secondes en secondes ; tu m'impressionnes. Mais la journée... c'est un enfant colérique que j'affronte. T'as les capacités et tu sais pas t'en servir.

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