Soïli se réveilla violemment. Son corps poisseux de sueur, ses yeux arrondis de terreur et ses muscles crispés de panique, il haletait douloureusement alors que l'aube était encore loin. Il voulait respirer mais, comme toujours, l'air ne passait pas. Alors il se traîna hors de son lit, traversant le froid insupportable de la nuit et fit de son mieux pour aligner un pied devant l'autre quand bien même le sol se déformait en face de lui.
Il avait la nausée. Depuis son combat contre Noé, ses cauchemars étaient devenus plus nets encore, l'enveloppant de cette angoisse qui l'empêchait de fermer l'œil une fois réveillé. Il rêvait d'escalader les étages, de composer le code à six chiffres qu'il connaissait par cœur à présent, et de s'engouffrer dans le dortoir des séniors puis sous les draps de son diable, mais ça lui était impossible. Était-ce réellement un luxe de souhaiter passer une nuit complète ?
Il arriva dans les douches, évidemment désertes, chassa ses vêtements humides de son corps et se laissa tomber sur le carrelage alors qu'un jet d'eau brûlant s'abattait sur son corps. Le front pesant sur ses genoux, les cheveux se confondant avec sa peau et le cœur encore agité d'effroi, il savourait les larmes que simulaient les gouttes ruisselant sur ses joues. Il étouffait, ayant l'impression de se noyer, mais il en avait besoin.
Il se demandait pourquoi tout ses choix le menaient au même point. Tout ce qu'il avait jamais souhaité était de protéger ce à quoi il tenait : sa mère et Shun. Et juste pour cela, il en était venu à tuer deux hommes. Deux vies. De ses mains à lui. Alors suffoquer sous l'eau était bien peu comme prix à payer, se disait-il.
Le mensonge qu'il avait construit pour protéger Shadée avait pris la place de ses souvenirs car plus aucune trace ne restait de son innocence. Il les avait lui-même créé, s'était lui-même accusé, avait officiellement été enregistré comme auteur de parricide et avait perdu la seule personne capable de lui rappeler la vérité. Alors il se torturait l'esprit depuis six années, se haïssant pour avoir commis l'irréparable sur un coup de tête.
Pourtant, inconsciemment, il s'agissait là de la meilleure façon pour qu'il ne sombrît pas dans la folie. Car, sinon, comment aurait-il pû vivre dans la frustration de l'absence de sa mère ? Aussi vraie la réalité soit-elle, comment accepter qu'il n'avait rien mérité pour subir sa perte ? Si elle était partie, ce devait être parce qu'il avait pris une vie, sinon pourquoi ? Pourquoi l'avoir quitté alors qu'il avait tout fait pour la protéger, alors qu'ils auraient pû vivre ensemble, heureux, rien que tous les deux ?
Oui, son amnésie était pour le mieux.
L'eau cessa de tomber sur lui et il tira son corps de plomb du sol. Il essuya sa peau, ramassa ses vêtements et se laissa tomber sur son lit avant de refermer les yeux, l'esprit un peu moins agité. Il entendit Minam descendre de la structure, chantonnant comme à son habitude, et partant à l'entraînement. Lui, ne bougea pas.
Aron lui avait laissé quelques jours pour "s'en remettre". Le nombre ne dépendait non pas de lui mais du temps qui le séparait de la finale au Colisée. Il passa donc l'après-midi sous ses draps, tantôt à dormir, tantôt à fixer le vide. Tout l'épuisait, même respirer lui était désagréable. Il espérait que son prochain affront ne fût pas aussi éprouvant que le dernier, et voilà tout.
— T'es réveillé ? Souffla une voix depuis l'encadrement de la porte.
Soïli fronça les sourcils, étourdi, et enfonça sa tête dans son coussin.
— J'ai un truc à te dire, renchérit Artième.
Il fit une pause, s'attendant à une réaction du benjamin mais, comprenant que ce dernier ne comptait pas répondre, il soupira et s'appuya contre le mur.
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Hédonisme
Misterio / SuspensoÉcosse 1950 : Alors que l'économie du pays chute drastiquement pour plonger la population dans la misère, un nouveau système illégal se met en place. Né de la rage des banlieusards et des anciens combattants envers l'État dépendant de l'Angleterre...