Chapitre 3

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Les jours suivants, les journées à l'unité carcérale se passent sans accroc. Je soigne des blessures liées à des affrontements, ou des pathologies sans gravité. Mon travail est un perpétuel recommencement, mais je m'en accommode.

Dans sept mois, je m'installerai en Italie avec Betty. Je suis impatiente de changer de cadre de vie. Nous avons pris cette décision il y a quelques semaines. Nous allons rejoindre nos parents. Je vais travailler dans un hôpital américain et Betty sera décoratrice pour une grande enseigne italienne. Plus rien ne me retient.

Je vois Lorenzo Gianni en consultation. Cette fois-ci, il lit les Misérables de Victor Hugo, il a vraiment du goût en littérature.  Il me fixe intensément, mon coeur bat la chamade. Je me reprends, je ne laisse rien paraître.

— Bonjour docteur princesse.

Je souris, sa façon de le dire est atypique. Il le prononce à l'italienne, c'est très attirant. Pourtant, il n'a pas d'accent italien.

— On commence l'auscultation?
— C'est vous le docteur.
En souriant.

Il se déshabille, il commence à enlever le pantalon. Je ne comprends pas bien ce qu'il fait.
Je le regarde, médusée, je panique et fais tomber le stéthoscope.

— Le pantalon plus tard. Pour le moment, on s'occupe du haut.

Il rit. Il l'a fait exprès. Je ne constate rien d'alarmant, rien à signaler, son cœur ne présente aucune complication. Son odeur virile emplit mes narines, il m'attire, je souhaite m'éloigner le plus loin possible de lui.

— Docteur princesse, pourriez-vous ausculter mon anatomie. J'ai quelques douleurs à force de me masturber.

Je fais les grands yeux, il se marre.

— Je pense qu'il faut ralentir la pratique.
Il se marre de nouveau.

Il sort du box, je range et désinfecte le lit.
Il a oublié son livre. Je le saisis et l'ouvre à la première page. « Docteur princesse, 455-233 ».
Il m'a laissé son numéro de téléphone. Je suis interloquée par cette note. Je la range à la hâte dans la blouse, troublée.

Je finis ma journée de travail. En me dirigeant vers la porte métallique, un gardien, Mitch m'appelle.

— Faith, je peux te parler 5 minutes?
— Oui bien sûr.

Mitch me drague depuis le premier jour. J'ai beau refuser ses avances, il est collant. Ce n'est pas du tout mon genre, son humour me met mal à l'aise. La plupart du temps, je ne m'attarde pas en sa compagnie.

— Toujours pas décidé à aller boire un verre?
— Mitch, je ne côtoie pas les collègues de travail.
— Nous ne sommes pas collègues.
— Si en quelque sorte.
— Allez! Tu verras que tu ne le regretteras pas.
— Bien, mais en tant qu'ami.
— D'accord.

Il affiche un sourire, je suis plus dans la retenue. Je sens que je viens de faire une erreur, j'aurais dû refuser comme les autres fois. Je ne veux pas l'induire en erreur sur mes intentions.

Je rentre à la maison. Quand j'arrive, Betty me tend une carte et un gros bouquet de roses rouges. Je suis surprise, je ne reçois que rarement des fleurs. Ma dernière relation remonte à il y a que quelques mois et il n'était pas aussi attentionné.
Mitch est très rapide, je lui ai bien dit que c'était un rendez-vous amical. Mais il a probablement mal interprété notre sortie.  J'ouvre la carte, ce n'est pas Mitch, c'est Lorenzo. J'affiche un sourire charmé.

« Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très-vieux »

Les fleurs du mal de Baudelaire, un de mes poèmes préférés. Cette attention me touche, mais ma raison me rappelle à l'ordre, c'est un détenu et il est dangereux. Je mets les fleurs dans un vase et pose la carte à proximité. Je souffle lourdement.

Je prépare le dîner avec Betty. Elle parle de sa journée. Elle a rencontré quelqu'un, un italien, Stefano. Ses yeux pétillent quand elle parle de lui. Il est dans l'immobilier. Je suis contente pour elle. Une de nous deux sera comblée sentimentalement.

— Et toi Faith, qui est ce prétendant qui t'envoie des  magnifiques roses et du Baudelaire?
Je ris.

— Un détenu.
— Je t'avais bien dit que tu en pincerais pour un prisonnier en tenue orange.
Je pouffe de rire.

— Tu as trop d'imagination.
— Comment est-il?
— Beau et dangereux, mafia italienne.
— Très excitant tout ça.

Je secoue la tête d'exaspération.

Prison HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant