Chapitre 50

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De nos jours.

Trois jours plus tard, Lorenzo a renforcé ma surveillance. Il n'a pas souhaité m'en dire plus. On ne se parle à peine, cette situation me désole.
Il accepte de voir son fils dans un centre éducatif, j'apprécie son effort. Les tensions vont peut-être s'apaiser avec cette main tendue vers moi.
Je me mets en route, en surveillant les alentours, mais je ne constate rien de suspect. Je me stationne sur le parking du centre. Quand je reconnais quelqu'un, Giuseppe est devant moi, je souris des mois que je ne l'avais pas vu. Il prend mon fils dans ses bras et me gratifie d'un sourire affectueux.

— Il a bien grandi le mini-capo.
Ma tête se décompose.

— Il a fêté ses un an il y a deux mois.
— C'est bien. Toujours pas prête à revenir?
— Non pas cette fois Giuseppe.

Il hoche la tête en signe de réponse.

Il m'accompagne jusqu'à  la salle privative, nous serons accompagnés d'une éducatrice et d'une médiatrice pour trouver un arrangement de garde.

Je suis au fond de la salle, j'observe Lorenzo qui joue avec son fils. Enzo l'adore. Il aurait été un merveilleux père, s'il n'était pas cet homme sans scrupules. On se met ensuite autour de la table, Enzo est sur ses genoux.

La médiatrice nous propose une garde alternée, il le prendra un week-end sur quatre étant donné qu'il ne vit pas aux Etats-Unis, il ne pourra pas le prendre les deux fois par mois que la loi préconise. Il l'accepte sans rechigner, sa bonne volonté me surprend. Il était complètement contre cette idée, il s'est résigné. J'ai un pincement au cœur, il ne compte plus se battre pour moi. Le reste des vacances,  il pourra le prendre. Cette partie de l'accord m'effraie, j'ai peur de nouveau de basculer dans ce cauchemar éveillé. Mais il me l'a promis, il tient toujours ses promesses. La Médiation se termine, il me raccompagne jusqu'à la voiture. Chacun s'en va de son côté comme deux parfaits inconnus, ça me détruit. Je n'imaginais pas notre relation finir ainsi.

En entrant à la maison, mes parents semblent soucieux, ils se fixent et se murent un dans un mutisme . Les premières heures, je ne dis rien, je les observe discuter à voix basse. Mais je craque et leur demande des explications. C'est mon père qui prend la parole.

— On a reçu ça ce matin.

Il me tend un papier, je le déplie, et j'écarquille les yeux. Le cauchemar semble recommencer , mon cœur tambourine dans ma poitrine, je lâche le mot à cause de mes tremblements.

Cette fois-ci, on fera de toi un parange.

La menace est claire, ils veulent tuer mon fils et me faire porter le deuil de sa perte. Ils ne se louperont pas cette fois. J'éclate en sanglot, mes parents tentent de me rassurer, mais rien n'y fait. Je revois sans cesse ce cauchemar éveillé sans lui.

J'entends la sonnerie, mon père ouvre la porte sur Lorenzo. Je cours et saute dans ses bras. Il resserre la prise et me murmure des mots apaisants. Je me détends, ma respiration reprend un rythme régulier, mes  tremblements s'estompent.  Mes parents nous laissent de l'intimité et s'éclipsent vers la chambre d'ami.

— Tout va bien Amore. D'accord?
— D'accord. Ne me déçois pas.
— Non jamais.

Je me détache de lui, il pose son front contre le mien, des dizaines de frissons se répandent dans mon corps, c'est doux, agréable, ses bras me manquent tant le soir.

— Tu  me manques tellement cara.
— Moi aussi.
— Alors reviens.
— Non, je ne peux pas. Je ne veux plus de tout ça.

Il finit par s'en aller, il compte découvrir qui est derrière tout ça. Il a emporté le mot.

Les jours suivants, je suis sur le qui-vive, j'observe chaque comportement suspect, les hommes de main de Lorenzo, ne sont pas un gage de sécurité. La dernière fois, ils ont réussi à me l'enlever. Giuseppe s'assure de ma sécurité. Au cabinet, il est dans la salle d'attente toute la journée, sa présence est rassurante. Je suspecte chaque patient qui entre dans le cabinet, la menace peut venir de partout.  J'avais mis de côté cet aspect de ma vie, voilà des mois, et je suis renvoyée dans cet enfer sans fin.

J'ai dû arrêter mon travail à l'hôpital, tant la menace était forte en Italie. Je ne veux plus que ça se reproduise.

Fin de journée, un livreur m'apporte un bouquet de fleurs. Dans un premier temps, je reste sur mes gardes. Giuseppe se charge de vérifier le bouquet et me le tend une fois qu'il s'est assuré de ce que contient le  mot qui l'accompagne, je l'ai autorisé à le lire.

J'ouvre le mot, c'est Paul, il souhaite m'inviter à déjeuner. Je ne sais pas quoi faire avec lui. Je me mens à moi-même, il n'y aura toujours que Lorenzo dans mon cœur. Je ne me voile plus la face depuis hier soir. Ce moment a fait renaître des sentiments que j'avais mis de côté. Ma rancœur l'avait emporté sur tout le reste. Mais je reste convaincue, qu'il n'y a pas d'avenir possible avec Lorenzo, tant qu'il baignera dans cet environnement criminel.
Je confirme le déjeuner  avec Paul et je rentre chez moi en compagnie de Giuseppe qui me parle de  la peine de Lorenzo, ces derniers mois. Il est encore plus tyrannique depuis que je ne suis plus là pour tempérer.

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Parange: femme ou homme ayant perdu un enfant.

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