Je me lève précipitamment du canapé sur lequel j'étais assise et sors en trombe dans le couloir.
— Amma ? Je peux te parler une seconde ?
— Qu'est-ce qui se passe Gwen ? s'inquiète Aliana.
— Rien de grave, ne t'inquiète pas. J'ai peut-être trouvé une façon de mettre les magiques au courant sans alerter les normaux.
Ma grand-mère lève les yeux du document qu'elle était en train de lire. Un livre qui semble être très ancien.
— Je t'écoute, ma chérie.
— Jae a dit que ce serait tellement plus simple si on pouvait passer un appel à la télé pour recruter. Du coup ça m'a fait penser : la langue ancienne des magiques, on la connaît tous, non ?
— La grande majorité, oui, confirme Aliana sans parvenir à comprendre où je veux en venir.
— Donc, si on fait passer un message dans le monde entier dans cette langue, les magiques le déchifferaient vraiment simplement et les normaux le prendraient comme une énorme énigme à résoudre. Personne n'arriverait à en comprendre le sens, donc tout le monde la partagerait et elle ferait le tour de la terre. Si ça se trouve, des journaux la passeraient dans leurs émissions. Seuls les magiques pourraient comprendre son contenu mais aucun de révèlerait la solution pour ne pas nous exposer et nous dévoiler. Donc l'effet médiatique serait d'autant plus fort.
— Par les cendres du Phoenix, Gwen ! Tu viens sans doute de résoudre le problème le plus important de ce millénaire ! Tu es incroyable, tu le sais ? se récrie ma grand-mère en contournant son bureau pour me donner un baiser claquant sur le front.
Alors que j'ouvre à nouveau la porte du salon, mes amis tournent la tête vers moi. En reprenant ma place, on me demande où est-ce que j'étais partie alors je leur explique mon idée. Nicolaï me félicite le premier.
— C'est vraiment génial Gwen !
— C'est Jae qu'il faut remercier, je n'y aurais jamais pensé sans ce qu'il a dit.
— T'es beaucoup trop modeste, rétorque Manoa.
— Non, mais c'est juste...
— Tsss, tais-toi. C'est jamais bon de se dénigrer, m'interrompt Nilaja.
La conversation continue dans la bonne humeur, tout le monde est en pleine forme, nullement fatigué. Elle se poursuit tard dans la nuit. Puis par acquis de conscience, nous nous mettons d'accord pour aller nous coucher. Sauf qu'une fois dans mon lit, impossible de fermer les yeux. J'ai beau essayer de m'endormir et de trouver le sommeil, rien n'y fait. Alors, misant sur le fait que l'air froid m'endormira, je prends silencieusement un pull et mes chaussons, puis je sors.
Je m'assieds en tailleur sur l'un des créneaux devant le château et tourne mon regard vers le ciel froid et étoilé de cette fin d'avril. L'air est frais, les animaux sont endormis, tout est calme et silencieux.
Un silence parfait.
Le reflet trouble de la lune sur le lac en contrebas rend la nuit lumineuse. Dans trois jours, elle sera pleine. Les pas s'approchant par derrière ne sont pas difficiles à entendre dans le silence nocturne. Des pas lents et mesurés, ne cherchant tout de même pas à se cacher. Une voix grave et douce, familière. Une voix que j'ai appris à aimer, qui me donne des papillons dans tout le corps.
— La sieste a l'air de t'avoir assez reposée, on dirait.
— Tu n'arrives pas à dormir non plus, Nicolaï ?
— Je t'avoue que non. Pas assez fatigué d'aujourd'hui, apparemment. Toi non plus ?
— Si, mais j'ai bien récupéré. Au fait, je ne t'ai pas remercié de m'avoir ramenée tout à l'heure.
— Ce n'était rien. Mais avec plaisir.
— Tu ne t'assois pas ?
— Tu veux que je m'asseye ?
— Allez, viens, je requiers en riant.
— À vos ordres, cheffe, cède-t-il avec un sourire.
— Tu sais, j'étais vraiment content quand je t'ai revue hier. Ça m'avait rendu triste de ne pas t'avoir dit au revoir, la dernière fois.
— Moi j'étais surtout surprise. Je ne m'attendais vraiment pas à te revoir un jour.
— C'est pour ça que tu as fait semblant de ne pas me connaître dans le hall ?
— Hmm. C'est ça, je murmure.
Non. C'est parce que mon cœur a commencé à cogner contre ma poitrine dès que je t'ai revu.
— Ça m'a fait de la peine, sur le coup. J'ai vraiment cru que la dernière fois j'avais fait quelque chose de mal, ou que tu avais honte de me connaître, ou que... je ne sais pas. J'ai eu peur. De plein de choses. Je me suis fait plein de scénarios.
J'ai fait semblant de ne pas te connaître parce que je ne voulais pas que tous mes sentiments ressurgissent au milieu d'une crise identitaire. Et parce que je sais que tu ne ressentais pas la même chose que moi. Parce que j'ai voulu me protéger. C'est ce que j'aimerais lui répondre. Mais comment pourrais-je lui dire ça...? Alors c'est seulement le silence qui lui répond.
— La lune est belle, n'est-ce pas ?
— C'était encore plus beau quand personne ne parlait, tu sais.
— Désolé.
Un petit rire lui échappe. Un rire qui aurait été clair s'il ne l'avait pas étouffé.
— Gwen ?
— Oui ?
Pas de réponse. Je détourne mon regard du ciel et les pose sur lui, sur son visage déjà tourné vers le mien. Les yeux rivés sur moi.
— Hum... rien. Oublie, souffle-t-il.
— Très intéressant, monsieur Gabrielli. Continue comme ça et on ira loin.
— Eh, je pourrais dire quelque chose de très intéressant, tu sais. Quelque chose dont on pourrait réfléchir pendant des heures. Mais rien ne me paraît plus captivant que ce que j'ai devant moi...
Ses yeux sont toujours rivés sur moi. C'est à mon tour de souffler :
— Tu devrais regarder le paysage, au lieu de sortir des disquettes.
— Qui te dit que je ne suis pas sérieux ?
— Moi. Tu sais, Nicolaï, je ne sais même pas pourquoi c'est vers moi que tu es venu, quand tu étais au lycée. Je n'ai rien d'intéressant...
— Là, me coupe-t-il, c'est toi qui dis n'importe quoi, Gwen. La première personne qui dira que tu n'est pas incroyablement intéressante est un idiot. Merde alors, j'espère que ce n'est pas à cause de Maywenn que tu dis ça !
— Pas que, mais en partie... En grande partie, je finis par concéder.
— Et bien elle est encore plus mauvaise que je ne le pensais.
— Ce n'est pas que de sa faute. J'étais parfaitement en capacité de me défendre mais quand on te répète toute ta vie de ne pas te faire remarquer, tu ne le fais pas.
— Tu devras retrouver ta confiance en toi. Ça ne me plaît pas de te voir te dénigrer comme ça.
— J'imagine qu'il faudra du temps.
— Ou de l'aide.
— Ou de l'aide, oui. Et dire que j'étais venue ici pour trouver le sommeil ! Finalement tu l'as dit, la chose sur laquelle on pourrait réfléchir pendant des heures.
— Du coup, tu reconnais officiellement que je ne suis pas un idiot ?
— Pas officiellement, non, je pouffe.
— Tant que je finis par y arriver, c'est le principal. Peu importe le temps que ça prendra, affirme-t-il, un sourire dans la voix.
Un pincement dans mon ventre contredit cette petite voix qui me chuchote de retenir quelques barrières encore.
***
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Le Dernier Ange
FantasyFût un temps de guerres et de massacres qui mirent les mondes à feu et à sang. Fût un être absolu qui ramena la paix et la stabilité entre lesdits mondes. Furent ces mondes qui, à sa mort, se déchirèrent à nouveau, entrant dans une ère de Révolte...