Chapitre 14 - partie 1/2

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— Quoi ?! Qu'est ce que tu veux dire par là ?

— Ça, Gwen, commence-t-elle en désignant le journal dans sa main, c'est le journal d'un elfe qui s'appelle Ithémon et qui a très bien connu Emin, le seul Ange qui ait survécu à leur Révolte. Il est devenu connu pour cela auprès de certaines personnes, mais très peu de temps après, on a perdu sa trace. Plus aucune nouvelle de lui n'a été ensuite émise. Il a tout simplement disparu. Je ne sais pas par quel miracle ce journal est arrivé ici, mais dedans, l'elfe laisse entendre qu'il a rendu plusieurs fois visite à Emin et il dit ici... – elle fait une pause le temps de chercher le passage en question – «À chacune de mes visites, il semblait ne pas vieillir. Comme si le temps n'avait aucune emprise sur lui et, alors que les siècles passaient, que le temps amenuisait mes forces, les siennes restaient telles que dans la fleur de l'âge. Aussi fou que cela puisse paraître, elles semblaient même progresser et gagner en puissance, même s'il ne vivait plus que pour les étouffer.»

— Aucune personne sur cette Terre n'a jamais pu savoir quelle était la longévité des Anges. Mais si cet elfe dit vrai, à l'époque où il écrit, Emin devait avoir près de mille sept-cent ans. Et ce journal à... – encore une pause le temps de chercher – presque cinq-cent ans. Alors, si jamais Emin est toujours en vie quelque part, il ne doit pas avoir loin de...

— Deux mille deux cent ans.

— Ce serait tout simplement incroyable, impensable, articule Amma en tentant de concevoir la chose. Ce qui m'a fait réagir en le lisant, c'est ce que l'elfe a écrit au début du chapitre. C'est une phrase en ancienne langue elfique qui voudrait à peu près dire « les mots ont toujours été plus qu'ils ne sont ». Les peuples des forêts ont toujours été très poétiques et mystérieux à la fois. Cette phrase aurait été une expression populaire, un peu comme un code entre les fées et les elfes qui aimaient beaucoup communiquer entre eux par énigmes. L'utilisation de cette formule signifie qu'une information est cachée dans le texte en question ; ici, ce doit être dans ce chapitre. Pour déchiffrer ce code, on dit qu'il faut lire la première lettre de chaque ligne jusqu'à trouver une information, quelque chose qui pourrait avoir une signification. Puisque c'est l'un des seuls chapitres où il parle d'Emin et qu'il a utilisé cette formule, ce doit être une information le concernant. Il ne reste plus qu'à la trouver, soupire-t-elle en se replongeant dans sa lecture, me laissant pensive.

— Tu en es où ?

Ma voix soucieuse brise le silence qui s'est installé depuis une demi-heure.

— Je suis bloquée, marmonne ma grand-mère. Je n'ai que des lettres qui ne veulent rien dire, qui ne donnent rien en français ni dans aucune autre langue ; y compris la langue d'origine.

— Fais voir ?

L'écriture du journal est très ancienne, belle et claire, facile à déchiffrer. Très peu de lettres sont mal formées, ou difficiles à lire, comme si l'auteur du journal s'était particulièrement appliqué.

— Tu ne trouves pas que ces g sont un peu mal faits ? je demande. Ils ressortent sur la page, je remarque en passant le doigt sur certaines lettres en début de ligne. On dirait des neuf.

— Je trouve aussi. Et quand on y pense, le B aussi. On dirait un huit.

Nous tournons les yeux l'une vers l'autre en même temps. Alors qu'elle prend un bout de papier et un stylo, je repère les lettres ayant une forme étrange et commence à dicter :

— Deux, neuf, zéro, huit, zéro, zéro, un, un, zéro, deux, neuf, zéro, zéro.

— Qu'est-ce que c'est que ces chiffres ? Des coordonnées ?

— Estheban ?! Qu'est-ce que tu fais là ?

— Ta grand-mère m'a donné l'accès à sa bibliothèque hier. Je passais faire un tour, explique-t-il en refermant la lourde porte en bois derrière lui. Elles viennent d'où, ces coordonnées ?

— Des coordonnées ? Non ce n'est pas ça... ce journal à cinq cent ans, ça ne peut pas être des coordonnées. Ça n'était pas encore inventé, à l'époque. Si..? Ça... je vais juste m'enlever un doute. Juste au cas où. Juste comme ça, je m'interromps en prenant mon portable.

Zhangjiajie. La Chine.

— Ça ne peut pas être une coïncidence, non ?

— Honnêtement, j'en doute.

— Qu'est-ce qui se situe là-bas ? demande à nouveau Estheban.

Ma grand-mère lui fait un rapide résumé de la situation.

— S'il y a une chance qu'il soit là-bas, je pense que nous devrions y aller. Même s'il est mort, il peut rester des archives ou des informations qui pourraient nous aider, Gwen et moi, admet Estheban.

Le nous a fusé, à sa place, naturellement, indiscutablement. Si je dois y aller, Estheban viendra avec moi. Pour nous, ce serait comme ça et pas autrement.

— Tu en penses quoi, Gwen ?

— On n'est même pas sûrs que je suis un Ange.

— Mais cette possibilité expliquerait beaucoup de choses pour nous deux, admets-le.

— D'accord, admettons. Je ne suis jamais allée en Chine, donc je ne suis pas contre. Mais on peut vraiment s'absenter ?

— Je vais arranger les choses pour qu'on parte demain.

— Demain ? Ce n'est pas un peu précipité ?

— Peut-être, mais s' il y a une chance de retrouver Emin, je ne veux pas perdre de temps. De plus, notre message se transmet à grande vitesse dans le monde et je veux être de retour pour accueillir les magiques qui arriveront ici. En plus de cela, il sera peut-être trop tard pour partir si nous attendons trop. Je sens que les choses vont s'accélérer.

— Et ma formation ?

— Tu auras le temps de t'exercer à certains exercices en chemin.

— Et Estheban ? Il vient, hein ?

La question tombe dans un profond silence.

— Amma ?

— Je ne sais pas si ce sera possible.

— Pourquoi ?

— Aliana...

— Je ne voudrai pas éveiller des soupçons inutiles auprès des autres. Notre départ sera déjà bien assez suspect comme cela.

— ...Je suppose que je vais aller prévenir les autres. Je peux leur parler de tout ?

— Fais, tu es grande Gwen.

Je me retourne sur le pas de la porte.

— Penses-y quand-même, s'il te plaît. J'aimerais beaucoup qu'Estheban nous accompagne.

***

Le Dernier AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant