Chapitre 3 - partie 1/2

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— Gwenaëlle ? Mais qu'est ce que tu fais là ? Tu n'étais pas censée être dans ta chambre ?

— À vrai dire, je n'ai plus trop sommeil pour le moment. J'ai beaucoup dormi ces deux derniers jours, je réponds en faisant mine de ne pas comprendre le vrai sens de son interrogation.

— Ça ne répond pas à ma question.

— Eh bien, heu...

Sachant à quel point ma grand-mère me connaît, je décide de dire la vérité.

— Je me suis réveillée il y a une petite heure et je vous ai entendues...

Voyant un mélange de dépit et d'inquiétude se dessiner sur le visage d'Aliana, mes joues rougissent et je me sens comme une petite fille ayant piqué un bonbon de trop chez le dentiste. Redevenant cette enfant prête à se faire gronder, je décide de continuer mon explication en parlant malgré moi de plus en plus vite :

— Je ne voulais pas vous espionner, mais ça m'a intriguée donc j'ai écouté votre conversation. Maintenant, j'ai l'impression qu'avec maman, vous me cachez un nombre incalculable de choses qui me concernent, en plus de ça, directement. J'ai le sentiment qu'on m'a menti toute ma vie, que mon existence entière est remise en question. J'ai l'impression que je ne sais plus qui je suis ni qui je dois croire et que plus on m'apportera des réponses, plus j'aurai de questions !

Je m'arrête de parler, essoufflée. J'ai terminé presque en criant le dernier mot et surprise par mon ton, je regarde aux alentours et la nuit cache le rose qui me monte aux joues. En face de moi, ma grand-mère me regarde, muette. Le voile d'inquiétude sur son visage s'est envolé et ses yeux sont remplis de tendresse, exactement comme lorsque, petite, je me mettais à débiter mes problèmes à tout vitesse.

— Dis-moi d'abord à partir de quand tu nous as entendues.

— Avant la prophétie.

— Et quand as-tu quitté notre conversation ?

— Juste après avoir entendu que j'étais l'Héritière de je ne sais quoi.

Je lève les yeux vers elle et trouve sur son visage une expression que j'y ai rarement vue.
Un léger sourire étire ses lèvres. Un sourire triste et fatigué.
Un regard rempli d'amour et de tendresse.
Ce visage me calme instantanément.

— Tu dois en avoir des questions, ma Réalta.

— Oh, Amma, si tu savais.

— Pose-les moi, s'il te plaît.

— D'abord, je veux entendre cette histoire de prophétie, cette histoire de médiums, de combat et caetera.

— Plus tard. Je te raconterai tout cela après avoir répondu à tes autres questions. Tu trouveras ça plus simple à comprendre après. Quelles sont tes autres questions ?

— Tu as parlé de Grandes Puissances, d'une réunion, la dame avec vous a demandé le lien qu'à cette prophétie avec Sinan et j'aimerais aussi en écouter la réponse.

— Commençons par les Grandes Puissances, alors. As-tu développé des pouvoirs qui n'ont aucun lien avec ceux de ta mère, par exemple ?

— Comme elle interdit l'usage de la magie à la maison, je n'ai jamais vraiment vu ses pouvoirs, j'objecte en me cachant à nouveau derrière le sarcasme.

— Ne me fais pas croire ça, jeune fille.

— Ok, d'accord. J'admets. La super-vitesse, pour commencer. Et puis tout à l'heure en vous écoutant, je pense que j'ai développé une ouïe très développée, et je peux aussi appeler les animaux et les calmer en chantant quelques notes.

— Je vois. Et selon toi, à quelles espèces appartiennent ces pouvoirs ?

— Dans l'ordre, je dirais vampires, loups-garous et nymphes.

— C'est juste. Et comment sont-ils apparus ?

— En règle générale, j'en avais besoin ou j'ai voulu qu'ils apparaissent. Ils ont tous eu une raison d'apparaître : la vitesse pour me vider l'esprit, l'ouïe pour pouvoir vous écouter et ce truc avec les animaux pour avoir de la compagnie, j'imagine.

— Sais-tu pourquoi ils sont apparus chez toi et pourquoi ta mère, par exemple, n'en a pas ?

— Je ne sais pas. Pourquoi ?

— Dans le monde magique, chaque individu est plus ou moins puissant et détient une plus ou moins grande quantité de pouvoir. Ce fait est lié à leur degré de descendance direct aux Dieux. Plus, dans l'arbre généalogique, le magique est proche d'eux, moins le pouvoir transmis est dilué et, par conséquent, plus l'individu est fort. Cela vaut également lorsqu'un Dieu ou l'un de ses enfants divins intervient directement dans la naissance du magique. Toujours est-il que les plus puissants magiques appartiennent à ce qu'on appelle la catégorie des Grandes Puissances. Toi et moi en faisons partie. Mais ce n'est pas le cas de ta mère, précise Aliana.

— Et donc, qu'est-ce qui différencie les Grandes Puissances des magiques « normaux » ?

— Les Grandes Puissances détiennent certaines capacités que les magiques normaux ne possèdent pas. Elles développent peu à peu des pouvoirs communs à ceux d'autres espèces. Une fée pourra développer certaines capacités des vampires ou des elfes ; un sorcier pourrait obtenir des pouvoirs issus des nymphes, des fées... Toi, Gwen, tu as pour le moment développé la vitesse des vampires et l'ouïe des loups-garous.

— Et, Amma, est-ce que je vais développer d'autres pouvoirs ?

— Oui, bien sûr. Mais sois consciente du fait que les Grandes Puissances ne développent évidemment pas tous les pouvoirs de toutes les espèces, mais seulement celles qui correspondent à leur Être, en son sens premier. Les pouvoirs d'un individu d'une telle puissance se doivent d'être en accord avec leur nature profonde. Certaines capacités, en revanche, s'obtiennent plus rarement et témoignent de la puissance de leur possesseur. Les ailes des fées, le pouvoir de se transformer en loup ou encore celui de respirer dans l'eau en font partie.

Amma lève les yeux au ciel et reprend après un soupir.

— Les Grandes Puissances incarnent les liens existant entre toutes les espèces et en sont les gardiennes. Ce lien est notamment créé par le fait qu'une fois tous les pouvoirs d'une Grande Puissance développés, la personne possède au moins un pouvoir, une aptitude ou prédisposition de chaque espèce magique. Au moins pour celles qui jouent les plus grands rôles dans l'Équilibre des mondes. Si un magique ne développe pas les ailes des fées, par exemple, il sera enclin à être profondément bon et ressentira un fort lien avec cette espèce. C'est cela qui est censé préserver la paix entre toutes les espèces. Dès que le premier pouvoir se déclare, la personne ressent une connexion qui la relie à toutes les autres Puissances. Les Grandes Puissances se sentent comme attirées vers leurs pairs plus que vers les autres magiques.

Puis, baissant la tête, elle me regarde à nouveau dans les yeux.

— C'est comme cela que nous nous reconnaissons. Les pouvoirs des autres espèces se développent généralement lorsque le magique en a besoin. Mais d'autres facteurs peuvent déclencher leur apparition. Que ce soit une raison quelconque ou sous le coup de sentiments puissants. Le dernier pouvoir dont tu m'a parlé, en revanche, n'est pas un pouvoir qui se partage entre Grandes Puissances. J'entends par là que seuls des magiques ayant du sang de nymphe ou d'elfe peuvent le développer.

— D'où est-ce qu'il me vient alors ?

— Ça me permet de faire un lien direct avec ta seconde interrogation : le lien avec Sinan. Avant de m'étendre sur le sujet, as-tu des questions à propos des Grandes Puissances ?

Une fois cette occasion passée, je sais qu'on ne reviendra plus sur le sujet. Alors, même si je meurs d'envie d'entendre l'histoire d'un personnage mythique comme l'est Sinan et de son lien avec nous, je m'efforce de réfléchir. Quelque chose me revient, sonnant comme un gong lointain dans mon esprit.

— Amma, tu crois qu'un don peut se déclarer sur le coup de la douleur ? 

Le Dernier AngeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant