Louve et Manoa ont dû s'en mêler et le pousser à prendre des initiatives : leurs attitudes les trahissent. Elles semblent tout à fait naturelles, à part lorsqu'elles se tournent vers nous et que leurs regards se teintent d'amusement et d'un peu de victoire. Nicolaï leur rend régulièrement de petits sourires aussi discrets qu'évocateurs. Nous n'avons pas vraiment trouvé le temps de reparler depuis l'autre soir, dans la cour, mais je ne serais pas étonnée que nous trouvions l'occasion de discuter en tête à tête avant d'aller nous coucher.
— ... Vous pensez vraiment qu'il y aura d'autres jeunes qui vont arriver ? Moi non. Il n'y a que nous qui soyons assez stupides pour venir.
La voix de Jae me sort de mes pensées.
— Et pour rester, surtout, rectifie Nilaja.
— Oui, c'est clair.
— Je pense que peu viendront, mais au moins quelques-uns. Je ne crois pas que des parents laisseraient leurs enfants courir ce risque, lui répond Manoa.
— Et nous ?
— Mais nous ce n'est pas pareil. En plus d'avoir les pouvoirs de notre espèce, nous avons ceux des autres.
— Mais il n'empêche que nous sommes encore des adolescents. Ou au moins de jeunes adultes.
— Nous avons le choix de rester ou de partir.
— Je sais, et je veux rester. C'était seulement une constatation. En fait, je suis plus contente d'être ici avec vous plutôt que chez moi où il n'y a rien à faire.
— Louve, tu vis aux Etats-Unis. Il y a toujours des choses à faire là-bas, réplique Nilaja.
— Tu serais étonné.
— Au fait, on ne parle jamais de nos vies, de nos amis et tout ça, je fais remarque.
— Il n'y a pas grand chose à savoir d'autre, à part que je préfère ma vie maintenant, commence Jae. C'était vraiment dur de devoir cacher ses pouvoirs au monde dans lequel tu vis. Ici, au moins, on peut vraiment être nous-mêmes.
— Pour moi aussi c'était dûr puisque j'ai régulièrement besoin de sang, nous fait part Nilaja. Du coup c'était compliqué de s'en procurer. Et puis au Nigeria c'est très mal vu d'être homosexuel. Ma famille a failli avoir beaucoup de problèmes à cause de moi.
— Ça craint.
— Je suis sûr que ça va changer. Peut-être pas maintenant, mais cela va changer.
— C'est comme en Thaïlande, partir là-bas pour des vacances, c'est sympa. Mais y vivre c'est un peu moins bien. Et chez toi, Manoa ?
— À Haïti ? C'est vraiment cool, il fait plutôt beau et chaud, c'est joli.
— Mais ?
— Mais à côté de ça il n'y a pas grand chose de génial. C'est comme chez toi, Jae. Y partir en vacances c'est bien. Mais c'est tellement isolé que tu ne fais presque jamais de nouvelles rencontres et les touristes sont partout. Mais comme on dit, l'herbe est toujours plus verte dans le jardin d'à côté. Donc je ne veux pas me plaindre de ça. Surtout que c'est vraiment le climat idéal pour une fée, avec toute la forêt qu'il y a là-bas ! J'avoue que ça me manque un peu.
Puis en se levant, elle promet :
— Quand tout cela sera fini, je vous donne ma parole que je vous emmènerai en vacances chez moi !
— Et moi je vous ferai visiter mon modeste village au Nigeria, assure Nilaja en se levant à son tour.
Ce sont sur ces promesses de voyage que nous nous levons pour aller rejoindre les chambres. Sur le pas de la porte je me retourne et suis surprise de croiser le regard de Nicolaï, assis sur le bord de l'une des tables. Avertissant les filles que je les rejoindrai plus tard, je me retourne vers le jeune homme, pile au bon moment pour les voir s'échanger un regard entendu. Une fois la porte refermée et mes amies parties, je m'approche de lui :
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Le Dernier Ange
FantasyFût un temps de guerres et de massacres qui mirent les mondes à feu et à sang. Fût un être absolu qui ramena la paix et la stabilité entre lesdits mondes. Furent ces mondes qui, à sa mort, se déchirèrent à nouveau, entrant dans une ère de Révolte...