Un conseil d'urgence avec les personnes en qui nous avons une entière confiance est de suite instauré. Parmi ces personnes se trouvent les membres du Conseil en état d'y assister, dont nos professeurs, Akira, Sandrine et ma grand-mère. Ma mère, Emin, et moi sommes également appelés à y assister. Sauf que quelqu'un manque à l'appel.
— Où est Aliana ?
— Comment ça ?
— Personne ne l'a vue ?
— Nous nous sommes battus côte à côte, commence difficilement et d'une voix faible Akira dont la poitrine et la gorge sont bandées, mais nous avons été séparés un peu avant qu'ils ne repartent tous.
— Avec ce chaos, on s'est tous perdus de vue. Mais personne ne l'a vue après ?
Seul un silence pesant répond à cette dure question. Ma mère et moi tournons les yeux l'une vers l'autre en même temps, prenant conscience de la situation. Je la vois qui, comme moi, essaye de retenir ses larmes. Emin, ressentant ma détresse, se lève brusquement.
— Je vais organiser des recherches avec quelques personnes. Si dans dix minutes nous n'avons aucune nouvelle d'elle... on verra ça plus tard. Akira, où l'avez-vous vue pour la dernière fois ?
— Vers le hall. Entre le hall et la grande salle.
Sur ces mots, Emin sort de la pièce en trombe.
— Pour le moment, commençons. La première question que je me pose, c'est comment nous ont-ils trouvés ?
— Nous avons fait prêter serment à tout le monde de ne pas révéler notre emplacement. Seul un autre serment fait auparavant aurait pu permettre à quelqu'un de le révéler.
— Il y a donc un traître parmi nous ?
— Il semblerait.
— Mais pourquoi attaquer maintenant ?
— Emin, Estheban et moi nous absentons presque tous les jours pour mon entraînement. Généralement, lorsque nous partons, nous ne revenons que le soir. Ce n'est un secret pour personne. Aujourd'hui, nous avons seulement décidé de rentrer plus tôt.
— Ils nous auraient attaqués alors que vous n'étiez censés revenir que plusieurs heures plus tard ?
— Ils ont profité de votre absence pour ne pas avoir à vous affronter tous les trois.
— Mais alors, pourquoi avoir attaqué ? C'est Gwenaëlle leur cible, non ?
Emin entre dans la pièce à ce moment-là, essoufflé.
— Aucune nouvelle d'Aliana. Nous avons cherché sur tout le domaine et aux alentours. Même les loups-garous n'ont rien trouvé.
Alors que la nouvelle tombe dans un silence, l'un des membres du Conseil pose la question que personne n'ose soulever :
— Et parmi les décès ?
— Non plus. Elle n'est nulle part. Elle a disparu.
Tout le monde se regarde. Aucun besoin n'est de tirer cette conclusion à haute voix. La dire ne rendrait la chose que plus vraie, plus douloureuse. Aliana s'est faite enlevée, prise en otage. Après plusieurs longues secondes de silence, quelqu'un demande d'une voix blanche ce qu'il en est des blessés et des morts. C'est le docteur Miller qui répond :
— Il y a soixante-seize blessés graves et en état critique. Tous reçoivent les soins des meilleurs guérisseurs en ce moment même.
Estheban, Louve, Manoa et Jae en font partie.
— Le bilan s'élève pour le moment à soixante-huit morts. Parmi eux, trois jeunes.
Trois jeunes. Trois... jeunes ? Qui est le troisième ? Mon ventre se serre en attendant que le verdict tombe et je sens mes larmes monter.
— Il s'agit de Éli et Sindy Lopez, ainsi que de Louve Martin.
Avec compassion, chaque regard se tourne vers moi. De mon côté, le temps que l'information monte au cerveau, mes yeux fixent la table en bois. Dès lors que je réalise la nouvelle, c'est la goûte d'eau qui fait déborder le vase. Ma vision s'assombrit, devient rouge. Mon cœur se noircit de douleur et mon sang bout à l'intérieur de moi. Je me sens tout à coup serrée, à l'étroit dans cette pièce sans fenêtre.
Mon cœur tambourine dans ma tête et je sens une barrière se briser, laissant mon pouvoir déferler en moi comme un raz de marée. Mon esprit ne fonctionne plus et c'est mon seul instinct qui réagit lorsque je me lève en envoyant la chaise se fracasser contre le mur, que j'ouvre la porte tellement violemment qu'elle se déchire comme du papier sous ma main et que je traverse le couloir sans prêter la moindre attention aux personnes que je croise. Mon sang chauffe à tel point que des flammes bleu vif lèchent mes mains, recouvrent rapidement mes avant-bras.
À l'étroit.
Morte. Disparue. Blessés. Je suis à l'étroit dans ce château, dans ce corps. À l'étroit à cause de cette puissance qui ne veut pas s'arrêter de déferler dans la moindre de mes cellules. Je me sens prête à exploser.
De l'espace. Il me faut... il me faut...
Je passe les portes, descends les marches, foule cette pelouse maculée de sang, prenant cette teinte sombre.
Exploser. Je vais... je...
J'arrive dans la forêt. Le ciel se charge, des nuages anthracite se forment, grondent en écho à mon cœur. Me contenant à peine, j'avance instinctivement jusqu'à la clairière.
Je ne tiens plus, je ne... je vais... c'est trop.
Toutes ces émotions, toute cette puissance ; tout ça, c'est trop. Je dois m'en débarrasser, tout faire sortir.
Comment ?
Les contenir une seconde de plus est trop douloureux.
Comment les faire sortir ?
Je ne sais pas... je ne sais plus. Ces morts...
Comment c'est ?
Louve... Sindy... Sindy. J'avais blessé Sindy. C'était la même sensation. Mais il n'y a plus personne à blesser. Alors je peux tout lâcher. Exploser. Oui, exploser.
Je ne tiens plus, je ne peux plus, je...
Dans un cri de douleur, de rage, de tristesse, de... de...
J'explose.
Toute cette force qui m'empêche de bouger, qui m'empêche de penser, explose, sort de moi avec une telle puissance qu'une déflagration l'accompagne, déferle. Cette vague renverse tout sur son passage, comme un raz de marée. La terre gronde, se retourne, les arbres sont déracinés, le ciel lui aussi se déchaîne. Les orages éclatent, déchirant le ciel dans un bruit de tonnerre. Mon pouvoir se matérialise autour de moi, renvoyant une couleur rouge par mes yeux devenus écarlates.
Une boule d'énergie destructrice m'enveloppe, me consume, se loge dans mon dos pour exploser une seconde fois, de concert avec le fracas de mes ailes qui sortent avec autant de violence qu'un élastique tendu qu'on fait claquer.
Une seconde déflagration deux fois plus importante que la première. Des ailes devenues aussi noires que les ténèbres.
***
Le Dernier Ange, consumé par ses propres pouvoirs, tout comme ses prédécesseurs, n'est plus un Ange.
Aujourd'hui, animée par la douleur, la rage et la culpabilité, elle se transforme en Ange de la mort.

VOUS LISEZ
Le Dernier Ange
ParanormalFût un temps de guerres et de massacres qui mirent les mondes à feu et à sang. Fût un être absolu qui ramena la paix et la stabilité entre lesdits mondes. Furent ces mondes qui, à sa mort, se déchirèrent à nouveau, entrant dans une ère de Révolte...