Chapitre 1

5.8K 112 15
                                    

Vendredi 1er octobre 2021

J'étais en plein milieu de mon rêve, étendue dans mon lit, une jambe sous la couette, une autre par-dessus quand une vibration désagréable m'enleva des bras de morphée.

Les yeux collés, la bouche pâteuse, j'essayais d'attraper mon téléphone pour faire taire l'objet du démon qui faisait trembler toute ma table de nuit produisant ce bruit infernal. Un léger regard sur l'écran trop lumineux m'indiquait qu'il s'agissait de mon patron, Damien, j'étais obligée de décrocher.

- Allo ? Demandais-je d'une voix trop roque.

- Lola ! Je suis désolée de te demander ça à 4 heures de matin, mais on a un client au frais et vu l'ampleur que ça va prendre sur les réseaux, il ne faut pas le laisser trop longtemps chez les bleus.

Ça ne pouvait pas être un appel pour partir aux Bahamas tous frais payés par la boite, ça aurait été trop beau.

- Ça ne peut pas attendre 8 heures ? Demandais-je sachant très bien que c'était cause perdue.

- Malheureusement non, je suis encore dans le sud je ne peux pas y aller, je suis désolé d'insister. Je t'ai tout envoyé par mail. Appelle-moi quand tu peux. Merci pour tout.

Il a raccroché sans même attendre mon approbation, de toute façon je n'ai malheureusement pas le choix. Je repoussais la couverture et me rendais directement dans la salle de bains en essayant de ne pas réveiller ma sœur dans la chambre d'à côté. Mon visage indiquait clairement un manque de sommeil flagrant, des poches étaient biens présentes sous les yeux bleus et mes cheveux gras révélaient un manque total d'organisation. J'attachais ces derniers en une queue haute bien serrée, un peu d'eau fraiche, un café, une chemise blanche et un jean et j'étais déjà en route pour une destination que je connais que trop bien.

***

J'ouvrais rapidement le mail de mon patron lorsque je me garais devant la bâtisse. Je récupérais dans mon coffre un dossier de feuilles blanches dans une pochette abimée pour donner l'illusion que j'étais au courant du dossier. Cette mise en scène ne convaincrait personne mais elle était aussi là pour me rassurer. Je n'avais pas envie d'arriver les bras ballants, le souffle court et de bégayer devant tout le monde.

Les pièces du mail se chargeaient à la lenteur d'un escargot, le réseau est si mauvais que ça à Paris ? L'individu qui avait mis fin prématuré à ma nuit était un petit délinquant de bas étage, quelques infractions sans gravité, possession de drogue, voies de fait... Il était aujourd'hui arrêté pour coup et blessure sur un agent de sécurité. On monte d'un niveau. Je soupire avant de sortir de la voiture avec mon dossier placebo dans les bras.

- Maître Charbonnier, ravie de vous revoir. Me salua l'agent lorsque je pénétrais dans le commissariat.

- Bonjour Olivier, est-ce que je peux voir mon client ? Demandais-je sans préambule, il savait très bien pourquoi j'étais ici.

- Il est en salle 3, vous connaissez le chemin.

Je le remerciais d'un coup de tête avant de me présenter devant la salle d'audition. Je connaissais ces locaux par cœur, l'odeur de la javel, la transpiration, les murs défraichis, les chaises dépareillées vissées au sol, les portes ouvertes surement trois millions de fois par an. J'arrivais près de la salle 3, je n'avais pas besoin de me présenter, l'agent avait certainement contacté tout le beau monde qui m'attendait à l'intérieur.

J'entrais donc sans frapper dans la salle borgne, un néon au plafond transformait la moindre couleur en gris, une table en métal vissée au sol, une fenêtre dans teint, trois chaises, deux occupées. La première chaise soutenait l'arrière train de l'officier de police judiciaire. Il me regardait les bras croisés sur son torse, le front luisant et l'œil fatigué. En face de lui, mon fameux client, jeune, blond décoloré, vêtu d'un survêtement de marque, les phalanges écorchées dont le sang commençait à coaguler autour de la plaie. Ses yeux foncés se posaient sur moi instantanément, je connaissais ce regard, dur, froid, pétillant mais fatigué, il pensait que j'étais sa carte de sortie.

ERGA OMNES - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant