ERGA OMNES - PLK

Chapitre 5

Vendredi 15 octobre 2021

Il était 18 heures et j'enchainais les rendez-vous sans toucher sol, depuis quinze jours ma vie avait repris son calme et son anonymat. Avec la story de Mathieu cela avait totalement mis fin à ma célébrité naissante, pour mon plus grand bonheur. Je vidais d'un trait le fond de café froid qui restait dans ma tasse et j'en profitais pour l'étirer. Le calme ne dura que quelques secondes, le vautour rentra dans mon bureau au même moment.

- J'ai regardé ton dossier Morleau, ta défense est bancale tu devrais pas faire comme ça.

Je soufflais à sa remarque, depuis la fin de notre « histoire », Victor prenait un malin plaisir à démonter le moindre de mes dossiers. Il me regarda, le dossier dans les mains, adossé dans l'encadrement de la porte. Ses cheveux bruns ramenés en arrière, son regard sombre, ses cernes marquées par le manque de sommeil. Il restait incroyablement charismatique

- Tu ne devrais pas mettre ton nez dans mes dossiers. Rend-le moi s'il te plait.

- T'as pas les capacités pour ce genre de dossier. Me dit-il sans même prendre en compte ma remarque.

- Ne touche pas mes affaires, si j'ai besoin d'un conseil juridique j'irai voir Damien.

- Pourtant il y a quelques mois c'est dans mon bureau que tu venais demander conseil. Me dit-il avec un sourire narquois en s'approchant de mon bureau.

Il remit le dossier sur le bois de mon bureau et y posa ses deux paumes, plongeant ses yeux noirs comme les billes de notre enfance dans les miens. Son visage à quelques centimètres du mien. Il faisait très clairement allusion à notre passé commun mais je ne souhaitais pas lui montrer que j'étais ébranlée par sa promiscuité. Je ne retomberai pas dans ses filets.

- Je dérange ?

Mon regard quitta l'abysse dans lequel j'étais plongée et mes yeux se posaient sur mon prochain rendez-vous, légèrement en retard sur le planning, un blondinet bien connu qui attendait sur la pas de la porte pour entrer.

- Monsieur Pruski ! Maître Victor Lanvin. S'exclama Victor en réajustant sa cravate, dévisageant totalement son interlocuteur comme pour juger la capacité de son portefeuille.

C'est sûr que Victor qui ne porte que des costumes est vite décontenancé par le style très urbain de mon client qui ne porte qu'un pull blanc avec un doudoune sans manche légèrement ouverte sur les chaines pendantes autour de son cou, un jogging et une sacoche sur l'épaule.

- Je relisais votre dossier, continua Victor, et je pense que je peux vous préparer une défense imparable.

Mais il fait quoi celui-ci ? Il me vole mon client juste sous mon nez. Mon sang ne faisait qu'un tour mais le sourire qui s'étendait sur le visage de Mathieu ne me laisse pas l'occasion de répliquer.

- Désolé, mais j'ai déjà un baveux et j'ai rendez-vous.

- Monsieur Pruski. Indiquais-je en me levant de son siège pour l'accueillir.

- Maître Charbonnier.

- Victor tu peux fermer la porte s'il te plait, j'ai pas ton temps.

Toujours impassible, Victor quitta la salle et ferma la porte, me laissant seule, debout devant mon client. J'avais déjà fait ça des milliers de fois, cependant à cet instant je me sentais gênée et mal à l'aise, je ne savais même pas si je devais m'assoir ou rester debout, lui demander de s'installer ou de dégager. Je n'avais pas vérifier mon agenda et les secrétaires ne m'avaient pas prévenues de son arrivée.