Chapitre 34

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Vendredi 6 mai 2022

La salle d'audience était remplie de monde, les agents de sécurité avaient dû refuser de monde. Les journalistes n'étant pas autorisés à filmer ou à prendre des photos, c'est à l'ancienne, avec des carnets qu'ils suivaient le déroulé de l'affaire.

Nous étions assis à droite avec Mathieu, quasiment contre le mur, alors qu'à droite se trouvait la victime, accompagnée de sa famille. L'homme, grand, costaud, d'une quarantaine d'année, les cheveux courts s'installa à droite avec son avocat, non sans jeter un regard froid à mon client. Mathieu soutenait son regard, lui qui était encore stressé quelques minutes auparavant avait à nouveau envie d'en découdre. Ses poings fermés, sans chevalière à tourner ni chaine à faire rouler autour de son cou. Il relâcha son souffle lorsque l'homme s'installa et l'ignora.

- Ça va Math ?

- J'ai encore envie de le frapper. Murmura-t-il.

- Bois un verre d'eau et calme tes ardeurs Hulk.

- Hulk ? Me répondit-il en souriant légèrement.

- C'est comme ça que ma sœur t'a appelé quand elle a appris que je te défendrais.

- Je remercierai Julia alors.

Le juge arriva et conformément à l'usage tout le monde se mit debout. Il nous demanda ensuite de nous asseoir et commença par expliquer le déroulement de cette journée. Puis après plusieurs minutes, il demanda à l'avocat de la partie civile de commencer les hostilités.

Ce dernier se leva, je le connaissais, Maître Olivier Turin, un vieux de la vieille, il aimait les grands discours et les longues tirades assommantes. Il était là pour le spectacle et il allait en donner. Ses cheveux gris ramenés en arrière, ses petites lunettes sur le bout de son nez et son stylo entre ses doigts qu'il agitait à chaque moment de stress. Je l'avais eu comme professeur à la fac et je connaissais son mode de fonctionnement par cœur. Vieille école contre nouvelle école.

- Nous sommes ici Mesdames, Messieurs, à cause de la violence. N'y a-t-il pas plus primitif et plus humain que la violence ? C'est la question que l'on doit se poser aujourd'hui. Quand on sait que l'homme devait se battre pour un territoire, pour se nourrir ou pour régner, et que désormais l'animal social que nous sommes parvient à obtenir cela par la discussion, par le respect de nos règles sociales et surtout par l'égalité qui nous caractérise tous. C'est l'inverse de nos valeurs qui s'est produit un soir d'octobre, le premier jour du mois. Mon client, Monsieur Adrien Bertrand, était à son poste de travail, videur dans une boite de nuit locale lorsqu'il a été sauvagement attaqué par un de ses semblables, sans raison apparente, de manière totalement gratuite. Cet individu, néfaste, rempli de rage et de colère, a frappé mon client à quinze reprises, de ses poings et de coup de pieds lorsque ce dernier a fini au sol, en sang, suppliant son agresseur de le laisser tranquille. Ce qu'il a vécu était un véritable passage à tabac, une agression. Le mot est dit ! Une agression dans le sens primitif du terme.

Mathieu était de plus en plus tendu, il faisait craquer ses articulations et gardait le dos droit, le regard fixé sur la personne qui était en train de l'attaquer. J'entendais sa famille s'agiter sur les bancs en bois inconfortable derrière nous.

- Monsieur Bertrand a été hospitalisé trois jours, il vous racontera ensuite son choc, ses troubles qu'il a développé depuis son agression et la difficulté à exercer son emploi qui lui permet pourtant de nourrir sa famille. Des côtes brisées, le nez cassé, les lèvres éclatées, deux doigts fracturés. C'était de l'acharnement ! Des heures de kinesthésie et de psychologie ne permettront probablement jamais à cet homme de se remettre de cette agression. Evidemment, lorsque l'on parle de la défense on voit cette image lisse que tente de lui donner les personnes qui l'entoure. Une petite célébrité, une légère notoriété et on se sent au-dessus des lois. Monsieur Pruski s'est-il senti pousser des ailes du fait de sa célébrité et a essayé de montrer sa supériorité vis-à-vis d'un autre homme pour se sentir puissant ? Lui qui pratique quasiment quotidiennement des sports de combat, en avait-il peut-être assez de frapper dans un sac rempli de sable et voulait un adversaire plus costaud que lui ? Pour quelle raison faire cela ? Pour la gloire, pour le respect de ses paires et de défier l'autorité. Un individu qui veut faire du mal, qui sait comment y parvenir et qui laisse derrière lui des personnes brisées.

ERGA OMNES - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant