10/ Les fleurs.

38 1 6
                                    

 La sonnette de la porte d'entrée retentit avec insistance, m'arrachant à ma contemplation. Je détourne le regard de la rue, que je scrute sans y penser depuis un quart d'heure, et saute du rebord de la fenêtre. Evania, qui vide ma bibliothèque sans but précis, relève les yeux du livre qu'elle feuilletait.

– C'est qui ?

– Je ne peux pas voir à travers les portes.

J'ouvre et me retrouve le nez dans un bouquet de fleurs.

– Livraison ! dit une voix qui semble sortir directement du bouquet.

J'éternue en me penchant de côté pour apercevoir le livreur derrière.

– Il doit y avoir une erreur, je grommelle. Je ne vois pas qui...

Le livreur sort son smartphone et lit d'une voix forte :

– Monsieur Tao Chantiminga, 15, rue de la Lune Bleue, c'est bien vous ?

– Heu... oui.

– Parfait.

Il me met les fleurs dans les bras et tourne les talons. Il saute dans l'ascenseur et je l'entends crier avant que les portes ne se referment : « Il y a un mot ! »

Perplexe, je retourne dans le salon, mon robot aspirateur dans les jambes pour avaler les quelques pétales qui se décrochent du bouquet. Evania pousse un hurlement en voyant mon chargement :

– Waouh, Tao a reçu des fleurs !

– Arrête de hurler, tu n'es pas censée être là.

Inutile d'alerter tout l'immarbre. J'ai déjà assez d'attention avec les paparazzis.

Il y a un truc qui cloche. Je pose le bouquet tandis qu'Evania saute autour de moi en état de surexcitation :

– C'est qui, c'est qui ?

Je farfouille dans les fleurs pour trouver le billet, accroché à la tige d'un lys. Je fronce les sourcils.

– Une admiratrice secrète ? Un fan éperdu ?

– Evania...

– Hi, hi, hi...

– Evania !

– Ouiiii ?

– Ce n'est pas pour moi, c'est pour toi.

Elle s'arrête, la bouche ouverte, stupéfaite.

– Pour moi ?

Je lui tends le petit mot. Elle lit à voix haute :

– « Pour ma muse, dont la beauté et le mystère m'obsèdent. » C'est...

– Adolphe, oui, je pense.

Elle regarde les fleurs.

– Mais... Il est fou.

– Le pauvre.

Je sens que je vais me mettre à rire, et bats en retraite vers la baie vitrée.

– Tao !

Je plaque ma main sur ma bouche.

– Oui ?

Elle considère l'énorme bouquet, qui occupe presque tout le canapé.

– On fait, quoi, maintenant ?

– Rien de spécial. On met ces fleurs dans un vase, par exemple.

– Dans plusieurs vases, tu veux dire.

IMAGOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant