Je suis réveillé par quelque chose qui me chatouille le nez. En bougeant un peu, je sens un poids sur mon bras et mon épaule droite. J'ouvre les yeux et me retrouve face à face avec deux iris chocolat.
Lenni ne cille pas, et lentement les coins de sa bouche remontent pour former un sourire amusé.
– Hello.
Je cligne des yeux. Il est en contre-jour et il n'a jamais ressemblé autant à un ange. Il sourit toujours, appuyé sur un coude, une main calée sous sa joue. Je ne bouge pas. Je ne veux plus jamais bouger. J'aurais peur de le faire fuir. J'aurais peur de me rendre compte qu'il n'est qu'un rêve. Le fruit de mon imagination. Mais est-ce que je peux vraiment imaginer quelqu'un comme ça ?
Il se met à rire. Doucement. Un rire qui vient du fond de sa gorge, de très loin. Il se penche pour me planter un baiser furtif sur les lèvres, recule, sans arrêter de s'esclaffer. Non, vraiment, je suis incapable d'imaginer Lenni.
Il roule sur le ventre, cale la tête sur mon épaule et se calme un peu. Je murmure :
– Où on est ?
Il ferme les yeux.
– Devine.
Non, pas la peine. Je reconnais parfaitement ces murs ocres, cette fenêtre qui découpe tout le pan supérieur du mur droit et ce plafond peint comme un ciel étoilé. Les rideaux à demi tirés laissent entrer une cascade de soleil. Je soupire tandis que les doigts de Lenni courent le long de ma clavicule.
– Elle est partie ?
Je tourne la tête.
– Qui ?
Lenni précise, d'une voix un peu tendue :
– Evania. Je ne la vois pas. Nulle part.
Il veut dire, ni sur moi ni dans la chambre. Il termine, moins fort, comme pour lui-même :
– D'ailleurs, ça fait un bout de temps que je ne l'ai pas vue. Depuis hier après-midi, quand j'y pense.
Je plie le coude et passe une main dans ses cheveux.
– Elle a disparu. Depuis... ce moment-là. C'est comme si elle n'avait jamais existé.
Il soupire profondément.
– Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
Je prends le temps de réfléchir à la question. En fait, j'avais presque oublié Evania. Non, je l'avais oubliée. Qui sait où elle est maintenant. Est-elle allée « aider » quelqu'un d'autre ? A-t-elle tout bonnement disparu pour toujours ? Peut-être qu'elle n'était qu'une illusion ?
En tout cas, je ne crois pas qu'elle soit revenue, ni qu'elle reviendra un jour. Je vois dans les yeux de Lenni qu'il aime mieux ça – et moi aussi.
Lenni articule dans un souffle :
– Alone. At last.
Il me lance un regard en coin.
– Avant que j'oublie, comment on s'est débarrassés des autres hier soir ?
– On leur a dit qu'on devait avoir une discussion sérieuse sur la cohabitation et le danger représenté par les fenêtres, si je me souviens bien.
– Hum, acquiesce Lenni, l'air songeur, et ça a été constructif ?
– Très.
Joe avait bien essayé de protester, de parlementer – je crois qu'elle voulait aussi me passer un savon – mais Adolphe avait fini par lui annoncer qu'il l'invitait au restaurant. Elle avait eu l'air successivement horrifiée, hostile, méfiante, intriguée, et finalement avait cédé. Yann, Tim et Aïko se sont éclipsés sur le chemin du retour sans que personne ne s'en aperçoive. Je ne saurais même pas dire s'ils sont partis séparément ou ensemble. Terry s'était retiré en proclamant qu'il allait inventer une excuse pour Coup Franc mais que j'avais intérêt à ne plus jamais lui refaire un truc pareil. Madame Rodriguez nous avait quittés sur un : « Bonne nuit les enfants », sachant qu'il était alors moins de vingt heures. Bowie s'est volatilisé.

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IMAGO
Misterio / Suspenso2067. Dans un monde qui a échappé de peu à l'apocalypse, Tao est un joueur d'acrofoot riche et célèbre. À part quelques articles de presse people, rien ne perturbe sa vie bien rangée. Sauf que Tao a des secrets, et qu'il suffirait de pas grand-chose...