21 (1/2)/ Le rendez-vous.

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 Le lendemain matin, je trouve une enveloppe rose et rouge devant ma porte. Une écriture fine et penchée indique : « Pour ma muse. »

Je résiste à la tentation de l'ouvrir tout de suite et vais m'enfermer dans ma chambre. Lenni n'est pas levé, et je lui ai pratiquement ordonné de faire la grasse matinée hier soir, donc je ne risque pas grand-chose en parlant à Evania maintenant.

Elle apparaît presque aussitôt.

– Il m'a répondu ! Donne !

Elle s'empare avidement de l'enveloppe et me tourne le dos pour lire. Je patiente, tapotant du pied. Elle termine sa lecture et reste immobile.

– Il m'invite à boire un verre ce soir dans le lieu de mon choix, murmure-t-elle.

Elle me regarde par en dessous.

– Un lieu ?

Une idée me traverse l'esprit :

– Pourquoi pas au Café des Brumes ? En plus, tu y es déjà allée.

Elle hoche la tête.

– Dis, est-ce que tu pourras venir avec moi ?

Je croise les bras.

– Tiens donc ! L'autre jour, j'avais plutôt l'impression que ma présence était indésirable.

– Ce n'est pas ça...

Elle a l'air embêtée.

– ... simplement, je ne peux pas aller trop loin de toi. Sans compter que je ne reste matérialisée qu'un quart d'heure, en général.

Je soupire. Me voici donc condamné à assister au rendez-vous.

– Bon, c'est d'accord, mais je refuse qu'il me voie.

Elle sourit, modestement victorieuse.

– Merci. Tu n'auras qu'à te cacher derrière le comptoir.

Elle lisse ses cheveux blonds, songeuse.

– Et Lenni ?

– Lenni ?

– On ne va pas l'emmener, quand même ?

Non, pas vraiment.

– Je lui dirai que j'ai une course à faire, il peut bien rester ici pendant ce temps.

Evania acquiesce vigoureusement, et tourne sur elle-même pour disparaître. Juste avant qu'elle se transforme en papillon, je l'entends dire :

– Mais qu'est-ce que je vais mettre, au fait ?

– Si tu as faim, ne m'attends pas pour manger, d'accord ?

Lenni hoche la tête, assis sur le canapé, un livre sur les genoux. Je lance un coup d'œil vers la pendule. Dix-huit heures.

– Je devrais revenir dans une heure, peut-être un peu plus. Si tu as un problème, appelle Madame Rodriguez, OK ? Son numéro est enregistré sur le fixe.

Lenni fait signe qu'il a compris et se lève pour me pousser vers la porte.

– Ne t'inquiète pas, ça ira très bien. Allez, ouste.

Je le laisse me chasser de mon propre appartement et refermer derrière moi.

Je lui ai raconté que j'allais voir un ami, ce qui m'avait rappelé que ni Tim ni Yann ne s'étaient manifestés en deux jours. Sans tourner à la parano, je commence à me demander ce qui se passe.

Je descends au rez-de-chaussée et enfile mes rollers. Il fait doux, ce soir, et si je n'avais pas autant de préoccupations en tête, je pourrais apprécier les couleurs des fleurs et du ciel. Mais je pense sans cesse à Joe, à Rupert, à Tim qui ne m'appelle pas, à Lenni que j'aimerais aider mieux.

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