14/Les doutes.

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 Quand je passe la porte du centre d'entraînement du Yam ASC, je tombe immédiatement sur Luis, sa tablette à la main, qui écarquille les yeux en me voyant. Il change ensuite très vite de tête et s'écrie :

– Tao ! Je suis vraiment content de te voir !

– Moi aussi.

Il se rapproche et me donne une tape maladroite sur l'épaule.

– C'est bien que tu... Enfin, que tu ailles mieux.

Je hausse les sourcils mais ne dis rien. Je poursuis ma route vers le vestiaire.

Yann lace ses crampons et m'adresse un sourire discret. Tim me serre brièvement dans ses bras. Julian n'est pas là, peut-être est-il resté aux soins. Ronny, Antonin, Lucas et les autres me dévisagent comme si j'étais une bombe prête à exploser. Après tout, c'est peut-être ce que je suis.

Rupert ne met pas un pied dans le vestiaire, et ne m'adresse pas la parole quand je rentre avec le reste de l'équipe sur le petit terrain en herbe. Il fait comme si je n'existais pas durant tout l'entraînement, criant des consignes à tout le monde, sauf moi.

Au bout de deux heures, quand il siffle la fin de la séance, je suis excédé. Sous les yeux inquiets de Tim, j'alpague Rupert sur le chemin des vestiaires.

– Coach, quel est le problème ?

Il me regarde fixement, le visage impassible.

– De quoi parlez-vous, Tao ?

Je respire profondément pour ne pas m'énerver.

– Vous ne m'avez pas adressé la parole de toute la séance, pas même un regard. S'il y a un problème, j'aimerais être au courant.

Il se dégage avec un rictus et articule, doucereux :

– Vous n'êtes pas le centre du monde, Tao. Peut-être n'avais-je tout simplement rien à vous dire.

Il s'en va, suffisant, ses cheveux gominés luisants sous la lumière crue des néons du couloir. Ce mec me dégoûte. Et je crois bien qu'il pense la même chose de moi.


***



26, 27, 28, 29, 30. Fini.

Je termine ma troisième série de pompes et me relève, un peu essoufflé. Le soir tombe tranquillement sur Junel. Les derniers rayons de soleil viennent frapper le mur végétal qui sépare le salon du couloir.

Assise sur le rebord de la fenêtre ouverte, Evania effeuille les marguerites qu'Adolphe lui a envoyées en chantonnant : « Les histoires d'amour finissent mal... ». Plus je connais Evania, plus je me demande d'où elle tire ses références musicales. Pendant ce temps, le robot aspirateur se démène sous elle pour avaler les pétales qui tombent sur le sol du salon.

– Combien de temps tu lui donnes avant de se jeter par la fenêtre ? demande-t-elle, en ôtant un dernier pétale d'un geste théâtral.

Je me doute qu'elle parle d'Adolphe. Le malheureux n'a pas vraiment choisi la voie de la facilité en décidant qu'Evania serait sa muse.

Je m'étire, penché de côté, et je vois Evania à l'envers lorsqu'elle jette négligemment la tige de la marguerite par la fenêtre avant de sauter du rebord.

– Alors ? Oh, et c'est quoi cette tenue ? s'écrie-t-elle, s'apercevant enfin que je ne porte qu'un short de foot.

Je me redresse et grommelle :

IMAGOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant