Je rédige sans grande conviction un SMS à Tim lorsque j'entends tout à coup un grand fracas dans le couloir. Je sors du salon en courant. Et pile net pour ne pas marcher sur Lenni, étalé par terre, en caleçon.
Il me voit et son visage prend une expression profondément soulagée.
– Oh, Tao.
Il se redresse à quatre pattes et essaye de se remettre sur ses jambes en s'appuyant sur le mur. Je tends une main pour l'aider. Il la regarde avec méfiance pendant une seconde, puis l'attrape et me laisse le hisser.
– Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Ses yeux glissent sur ma joue éraflée, avant de se planter dans les miens.
– J'ai trébuché.
Je me contenterai de cette réponse.
– Tu as faim ?
Il hoche vigoureusement la tête. Je le soutiens jusqu'au canapé, tout en vérifiant du coin de l'œil qu'Evania n'est pas visible.
– Je vais t'apporter quelque chose. Reste là.
Pendant que je m'affaire dans la cuisine, Evania sort de derrière le frigo où elle s'était dissimulée.
– Je peux venir ?
J'hésite un peu avant de lui répondre :
– Non, je préfère que tu n'apparaisses pas devant lui.
– Bon.
Elle a l'air déçue. Elle tourne cependant sur elle-même et disparaît, laissant place au papillon rouge qui regagne son emplacement à travers mon tee-shirt.
Quand je reviens, Lenni regarde par la fenêtre, les paupières plissées face au soleil qui entre à flots. Il s'est enroulé dans le plaid habituellement rangé sur le tabouret. Je pose le plateau sur la table basse et l'observe tandis qu'il s'empare de la pomme et y mord à belles dents. On dirait que sa crise est terminée. Il n'est plus brûlant de fièvre, ne tremble pas. Seuls les cernes sous ses yeux chocolat trahissent la nuit qu'il vient de traverser.
Pendant qu'il lèche ses doigts couverts de confiture, la sonnette d'entrée retentit. J'ouvre et ne suis pas très surpris en trouvant derrière la porte un livreur chargé d'un nouveau bouquet. Adolphe ne perd pas ses habitudes.
Lenni reste pantois devant les fleurs.
– C'est quoi ?
Je hausse les épaules.
– Des fleurs.
Il pose son verre de jus d'orange et croise les bras.
– Je le vois bien ! Mais qui t'envoie des fleurs ?
Je me mords la lèvre. Mentir ou mentir, il faut choisir.
– Ce doit être une erreur.
Et je file vers ma chambre en murmurant « Je reviens ». J'ai à peine fermé la porte coulissante du salon qu'Evania se matérialise sous mon nez et s'empare du bouquet en roucoulant :
– Roooh, encore des fleurs ! Je suis très courtisée !
– C'est toujours Adolphe, je grommelle. Tu n'as pas d'autre admirateur.
Elle me jette un regard courroucé.
– Tao, que tu es rabat-joie !
Je la pousse dans la chambre et agite les mains :
– Fais moins de bruit, s'il te plaît !
Je suis presque sûr que Lenni peut l'entendre. Evania va se poster devant la fenêtre et fait coulisser la vitre avant de s'asseoir sur le rebord pour effeuiller les fleurs. Je la laisse là et retourne dans le salon en me composant une expression neutre. Lenni me dévisage, soupçonneux, mais il ne dit rien.
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Misterio / Suspenso2067. Dans un monde qui a échappé de peu à l'apocalypse, Tao est un joueur d'acrofoot riche et célèbre. À part quelques articles de presse people, rien ne perturbe sa vie bien rangée. Sauf que Tao a des secrets, et qu'il suffirait de pas grand-chose...