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45 (1/3)/ L'orgueil.

 Dix-neuf heures quarante-cinq. Le match entre le Yam ASC et le SC Nantes commence officiellement dans un quart d'heure.

Le stade est plein à craquer. Les joueurs ne vont pas tarder à faire leur entrée sur la pelouse. Depuis la tribune présidentielle, le Président contemple la foule avec un air monarchique. À côté de lui est assis le représentant de Lightsun. Les propriétaires, deux frères, devaient venir ce soir mais ont décliné au dernier moment. Ils ont envoyé leur représentant à leur place. Ce qui ne modifie en aucun cas notre plan.

Joe s'est éclipsée il y a vingt minutes. Tim et Yann se chargent d'elle.

Plus que dix minutes avant le coup d'envoi. Le Président tapote les accoudoirs de son siège capitonné. Rupert va se poster dans sa zone technique, un petit sourire sur les lèvres. Ce soir, lui et le Yam ASC peuvent être sacrés champions de France.

Les équipes entrent. Celle du Yam ASC est composée de Yann, Tim, Antonin, Angel et Lucas. Ils vont s'aligner aux côtés des arbitres et des joueurs adverses. Toute l'attention est focalisée sur le terrain.

C'est le moment.

Je me glisse dans l'escalier des loges et grimpe rapidement les marches jusqu'à la tribune présidentielle. Un seul vigile garde la porte. En me reconnaissant, il s'immobilise, indécis. J'adopte mon ton le plus autoritaire :

– Je dois parler au Président. Laissez-moi passer.

Il hésite encore. Je fais un pas. Il tend instinctivement un bras en travers du chemin.

– Ce ne sera pas long. C'est urgent.

Il dodeline de la tête, capitule.

– Bon, faites vite.

Il s'écarte à regret. Je franchis les derniers mètres, silencieux sur l'épaisse moquette, et pénètre dans la loge.

Le Président et le représentant de Lightsun me tournent le dos. Juste derrière eux, je pose un doigt sur mon oreillette afin d'activer mon micro. Voyons si Madame Rodriguez a réussi son pari...

Sur la pelouse, l'arbitre porte son sifflet à sa bouche, un œil sur son chronomètre. Je bondis en avant.

– Attendez !

Ma voix amplifiée résonne dans tout le stade. Les joueurs se pétrifient, l'arbitre lâche son sifflet. En bas, Yann et Tim lèvent les yeux. Je vois le second me faire un discret signe du pouce.

Le Président se redresse dans son fauteuil, l'air incrédule.

– Tao ? Que faites-vous là ?

J'ai un léger sourire.

– Je viens dire la vérité, Monsieur.

Il fronce les sourcils. Je ne lui laisse pas le temps de parler.

– Écoutez-moi, tous. Tout le monde. J'ai quelque chose d'une importance capitale à vous dire. Une chose que le Yam ASC vous cache depuis sept ans !

Cette fois, tous les regards sont sur moi. Tous les spectateurs se dévissent le cou pour voir ce qui se passe dans la tribune présidentielle. Je reprends, d'une voix claire et forte :

– Vous n'êtes pas sans savoir qu'en 2060, le Yam ASC a traversé une grave crise financière. On nous a raconté qu'il s'était sorti d'affaire grâce au partenariat conclu par les propriétaires avec la société Eco Experts. Mais c'est faux.

Un murmure parcourt le stade. Le président amorce un geste pour se lever, mais je lui lance un regard qui le fait renoncer.

– Eco Experts était une société écran. Et l'argent qu'elle versait au Yam ASC venait d'un réseau de prostitution.