IMAGO

47/ L'invitation.

 L'aube nous cueille à l'improviste et nous inonde de rosée. Je m'assieds. M'étire. À l'est, le ciel se teinte en saumon, tandis que les étoiles s'estompent une à une. Roulé en boule contre le tronc d'un cerisier, Lenni dort profondément.

Je vais me pencher à la rambarde. Les lampadaires sont éteints. Dans les rues, pas un chat. Je regarde Lenni. Ses cheveux sont perlés de rosée et vu la façon dont il s'est recroquevillé, il a eu froid durant la nuit.

Je m'accroupis à côté de lui et effleure son épaule. Sa réaction est immédiate ; il se réveille en sursaut et recule précipitamment contre le tronc.

– Lenni ! C'est moi.

Il me fixe deux secondes sans vraiment me voir puis se laisse glisser contre l'écorce.

– Désolé. Je faisais un rêve bizarre.

Il se frotte les yeux.

– On a dormi sur le toit ?

– Il faut croire.

Lenni frissonne des pieds à la tête.

– Il ne fait pas très chaud. On rentre ?

– Oui.

On descend sur la pointe des pieds jusqu'au cinquième étage. Là, on tombe sur Adolphe qui arrose la plante verte du palier avec une théière.

– Oh, bonjour monsieur Chantiminga. Vous êtes bien matinal.

Il voit Lenni et pose son arrosoir improvisé.

– Vous êtes ?

– Lenni.

– C'est un nom très mignon. On dirait le nom d'un petit chat.

Lenni écarquille les yeux mais Adolphe ne semble pas s'en rendre compte. Il reprend son arrosage et se désintéresse de nous. Lenni se presse derrière moi, vaguement méfiant.

– Il est vraiment bizarre, ton voisin. C'est lui qui suspend des fers à repasser au plafond ?

– Ouais. Mais il n'est pas méchant.

À cet instant, un cri retentit sur le palier. Je rouvre la porte. Adolphe est debout face à l'escalier, sa théière brandie à bout de bras comme un gourdin. Il se retourne à demi et me fait un sourire tordu.

– Ne vous alarmez pas, c'est juste un cloporte avec un appareil photo.

– Un paparazzi ?

– C'est ce que je viens de dire.

Je referme la porte. Ils sont matinaux, eux aussi. Bon, maintenant, paparazzi ou pas, je vais me faire un chocolat chaud.

Quand on sonne, je crois d'abord que c'est Madame Rodriguez, mais ce n'est pas elle qui se tient sur le pas de la porte.

C'est une femme tirée à quatre épingles qui me colle une enveloppe sous le nez.

– Veuillez l'ouvrir tout de suite, je vous prie.

J'obéis. L'en-tête me dit quelque chose. C'est une lettre officielle.

Cher monsieur Chantiminga, j'ai la joie et l'honneur de vous convier à l'Élysée le 9 mai prochain à 18 h pile. Madame Clara Rodriguez, madame Joana Kester, monsieur Yann Alderberman et monsieur Tim Glimbert sont également conviés. Une lettre semblable sera adressée à chacun.

Vous serez aimable d'emmener monsieur Lenni Orlando avec vous.

Veuillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.