9/ Les miracles d'Evania.

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 Je descends du bus, casque sur les oreilles. Le trajet jusqu'à Toulouse a été interminable, l'avion avait du retard, une sombre histoire de colis suspect. Sur les talons de Yann, je tape dans les mains des supporters qui se pressent le long de la barrière.

Une main se pose sur mon épaule. Tim.

– Ça va ?

– Oui.

Joe nous a appelés dans le bus, elle ne peut pas venir, mais elle regarde depuis sa chambre. De toute façon, les médecins ne veulent plus la laisser sortir. Elle doit garder le lit, et limiter les efforts. Plus j'y pense, plus je sens un gouffre qui se creuse dans ma poitrine.

Je mets un pied sur la pelouse, elle est belle, bien entretenue. Le stade n'est pas très grand, mais l'architecture amusante. De grands piliers, des gradins très proches du terrain, de la couleur sur les murs. Le toit est ouvert, car il fait beau. Ce n'est pas encore plein, les spectateurs commencent tout juste à arriver.

Yann chahute avec Julian. Kev' explore le terrain à petits pas, concentré. Angel et Luis discutent avec animation. Lucas, Antonin et Carlos plaisantent entre eux en désignant un point en l'air. Je lève le nez et aperçois une nuée de corneilles qui se disputent une prise.

Tim revient près de moi, en pianotant sur son smartphone. Il doit être en train d'écrire des SMS à Camille. Je coupe la musique.

– Elle est fâchée ?

Tim grimace.

– Un peu, mais en fait, c'est une histoire avec sa mère. Elle venait aujourd'hui, et Camille prétend que je me suis arrangé pour ne pas être là.

– Bon, eh bien, je vais te laisser régler cette délicate situation.


***



Je regarde Yann. Le coup d'envoi va être donné. Cette fois, je suis titulaire, mais pas capitaine. Je sais que Rupert fait ça pour me tester. Il attend que je me rebiffe pour m'enfoncer. Je ne lui ferai pas ce plaisir.

L'arbitre siffle. Les Toulousains donnent le premier coup de pied. C'est parti.

Regarde un peu, Rupert.

Nous sommes largement supérieurs à nos adversaires, et dans les quinze premières minutes, on leur marche littéralement dessus. 1-0, puis 2-0. Une passe décisive pour moi. Un but pour Ronny et un pour Angel, qui tient lui aussi à montrer ce qu'il vaut. Tout cumulé, 12 points de bonus artistique. Un petit relâchement en fin de première mi-temps, mais sans conséquence.

Lorsque la pause arrive, le coach est satisfait, mais il ne le dit pas. Il se contente de nous encourager à continuer comme ça, en ajoutant que nous avons fait une bonne première période. En sortant du vestiaire, Tim me lance un clin d'œil complice.

Les Toulousains ont dû se prendre une sacrée soufflante, car ils affichent un tout autre visage. Ils s'engagent beaucoup plus dans les duels, ne nous laissent presque aucun espace. Le Yam ASC fait bloc et tente des contres. Angel nous lance :

– Ils ne vont pas tenir la mi-temps comme ça, il faut continuer à les harceler.

Il a raison. Quelques minutes plus tard, une brèche s'ouvre côté gauche. Je monte, balle au pied, Tim, qui essaye de se démarquer, à ma droite. Je passe mon vis-à-vis avec un dribble bien senti, puis file vers la surface.

Je fais trois pas. Au premier, j'évite une intervention venue de la gauche, au second, je place une roulette, au troisième, un tacle me fauche la jambe droite dans un horrible craquement.

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