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51 (2/2)/ Fils de p*te.

Je parcours les rues, au hasard, à contre-courant. Je passe sur le pont des roses, dévale l'avenue et atterris devant le Café des Brumes.

Je rentre sans quitter mes pieds du regard. Je vais me réfugier dans mon alcôve habituelle, sans remarquer que le café est vide. Aïko est en train de fermer. Elle m'aperçoit et me fonce dessus, bien décidée à mettre ce sans-gêne à la porte. Puis elle me reconnaît.

– Tao ! Hou-là, ça n'a pas l'air d'aller.

Je soupire et recoiffe mes cheveux en arrière. Ils ont drôlement poussé en un mois, il faudrait que je pense à les faire couper.

– Non, ça ne va pas trop. Aïko, je ne sais plus quoi faire. Tout le monde me regarde de travers et ricane dans mon dos, pour ne pas dire pire. Joe me dit d'attendre. Terry me dit qu'il faut faire une interview, que ça arrangera les choses.

Elle s'assied en face de moi et pose ses coudes sur la table.

– Qu'est-ce que tu veux, toi ?

Je la dévisage. Derrière sa frange noire et rouge, ses yeux me scrutent.

– Je veux que tout redevienne comme avant.

Elle grimace.

– Ça, ça risque d'être difficile, mon vieux. Mais si je comprends bien, tu veux retrouver le regard qu'avaient les gens sur toi et rejouer dans une équipe. C'est tout à fait normal de vouloir ça.

Elle se rejette en arrière contre le dossier de la banquette.

– Mais c'est normal aussi que les gens parlent.

– J'ai peur que ça ne s'arrête jamais.

Elle cille.

– Je ne sais pas si ça s'arrêtera un jour. Mais il faut un peu aider la chance.

Je soupire en m'affalant sur la table.

– Comment ?

Elle se gratte le menton.

– Ne fais pas de vagues, reste droit dans tes bottes, laisse passer l'orage et continue à contacter les clubs. Ils ne vont pas non plus te bouder jusqu'à la fin des temps.

Je marmonne, le front contre le bois :

– C'est peu ou prou ce que Terry et Joe m'ont dit. La voix de la sagesse, je suppose.

Aïko me tape sur la tête.

– Tu es la voix de la sagesse, Tao. Enfin, d'habitude. Allez, un peu de nerf. Tu peux y arriver. Tu n'es pas seul, tu sais.

Je me mords la lèvre. Je ne sais plus. Tous mes amis me donnent des consignes sur ce que je dois faire, dire, penser. Joe m'a dit de faire ce que je jugeais bon. Sauf que je ne peux pas vraiment faire ce que je veux, sinon c'en est fini de moi. Je me redresse et me masse la nuque.

– J'imagine que tu as raison aussi. Je vais rentrer. J'ai laissé Lenni tout seul, et j'ai parfois peur de ce qu'il peut inventer pour se distraire.

Aïko fait une drôle de tête.

– Je ne pense pas que Lenni soit quelqu'un que tu dois craindre. À mon avis, il ne te veut que du bien.

– Moi aussi.

Elle se lève et me serre dans ses bras.

– Allez, bon courage, et dis-lui bonjour de ma part. Je l'aime bien, tu sais.

Ces derniers mots réveillent un neurone dans mon cerveau.

– Aïko, attends !

Je file au comptoir, ramasse un stylo qui traîne et lui prends d'autorité la main pour gribouiller quelque chose dans sa paume.