2 (1/2)/ St-Antoine.

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 Le monde tangue. Je soulève les paupières et vois un homme penché vers moi.

– Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Nous vous amenons à l'hôpital.

Hôpital ? Joe ! Je devais aller voir Joe !

J'essaye de me redresser, mais le pompier m'en empêche gentiment.

– Vous avez eu un accident, monsieur. Ne bougez pas.

Je vais très bien ! Je n'ai même plus mal à la tête. Je voudrais bien descendre de ce brancard. Il chavire de plus en plus, ils vont finir par me faire tomber.

Je regarde autour de moi. Un camion de pompier, une voiture de police, plus des gens trop curieux qui se font rembarrer par les policiers. Derrière le virage, dix mètres en contrebas, au milieu de l'avenue désormais coupée, un amas de tôles froissées et fumantes. Ma voiture.

– Vous avez eu beaucoup de chance, poursuit le pompier qui a suivi mon regard, d'avoir pu sauter avant l'impact. L'herbe du terre-plein a bien amorti votre chute.

Sauter ? Je n'ai pas sauté. J'allais mourir. Et de toute façon, sauter d'un véhicule lancé à une telle vitesse est totalement suicidaire.

Les pompiers embarquent le brancard et moi dessus dans le camion. Une femme, une médecin à mon avis, vu son air supérieur, se penche vers moi.

– Comment vous sentez-vous, monsieur ?

– Bien.

Elle estime sans doute que je suis un peu crispé et esquisse un sourire rassurant.

– Tout va bien se passer. Dites-moi où vous avez mal.

– Je n'ai mal nulle part.

La médecin échange un regard surpris avec les pompiers.

– Vous êtes sûr ?

– Oui.

Nouveau regard.

– Nous verrons ça à l'hôpital.

Ils ne me croient pas. Pourtant, c'est vrai. Je me sens parfaitement bien. C'est très étrange. Si j'ai réellement sauté en marche comme le prétend le pompier, je devrais être en morceaux.

Arrivé à l'hôpital St-Antoine, on pousse mon brancard sur un demi kilomètre de couloir avant de me laisser dans une petite pièce froide et blanche.

La médecin revient.

– Bon, on va faire une petite auscultation pour voir si tout va bien.

Elle me demande de m'asseoir, me palpe de partout, m'écoute respirer, puis me dit de me lever, de marcher, me fait passer un scanner et me redemande si j'ai mal quelque part.

– Non.

– Non ?

– NON.

Elle m'observe comme si j'étais un spécimen nouveau, puis déclare, l'air de n'y croire qu'à moitié :

– Vous êtes très chanceux.

***

– Nom, prénom, s'il vous plaît ?

– Chantiminga, Tao.

L'interne relève brusquement la tête et me dévisage.

– Tao Chantiminga ? Le Tao Chantiminga ?

Je me mords la lèvre. Zut.

– Que je suis bête, glousse-t-elle, en plus, j'avais remarqué votre tatouage.

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