38(1/2)/ Responsables.

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 Je suis en train de couper du pain pour les tartines du matin quand j'entends un grand tapage sur le palier. Je vais ouvrir ma porte et trouve Xavier Terry aux prises avec une autre personne qui brandit un appareil photo que Terry essaye de prendre. Ce à quoi l'autre oppose une vive résistance.

– Tao, crie Terry, prenez-lui son appareil !

Je tends le bras et agrippe l'engin. Avec un couinement, l'autre délaisse Terry pour s'arc-bouter en arrière sur la bandoulière. Je tire un bon coup pour le faire lâcher. Aussitôt, il arrête de se débattre et s'écrie :

– Non ! S'il vous plaît, c'est mon outil de travail ! J'en ai besoin.

Terry récupère l'appareil et parcourt rapidement les images.

– Seulement une fois que j'aurai fait le ménage. Alors, ça et ça, éliminé. Parfait, vous pouvez le reprendre.

Le paparazzi s'en empare d'un air féroce puis se carapate dans l'escalier en grognant des insultes. Xavier Terry secoue la tête avec une mine affligée. Je mets les poings sur mes hanches.

– Ben, qu'est-ce qui vous arrive ?

Il me regarde, surpris.

– Il n'y a pas si longtemps, je précise, c'est vous qui étiez à sa place.

– Eh bien, il faut croire que j'ai changé.

Il change de tête et s'énerve soudain.

– Il faut que je vous parle de quelque chose, c'est scandaleux...

Il entre, en s'agitant dans tous les sens.

– Je n'aurais jamais pensé à une chose pareille !

– Quoi ?

Il arpente le salon à grandes enjambées saccadées. Lenni sort du couloir.

– Tiens, vous.

Terry lui jette un regard morne et pivote vers moi.

– Vous avez lu les journaux ce matin ?

Je fais une grimace éloquente.

– Non.

Il avise la liseuse, posée sur les coussins du canapé, s'en empare et l'allume. Ignorant le regard agacé de Lenni, il tapote fébrilement l'écran, ouvre un journal et le feuillette.

– Alors, gnagnagna... Ah, c'est là.

Il me tend la liseuse. Il s'agit de l'hebdomadaire Everyone. Sur le tiers de la page, un article. À mesure que mes yeux le parcourent, mon estomac remonte dans ma gorge.

La direction de Yam ASC confirme les déclarations de Rupert Barton.

La semaine dernière, Rupert Barton avait donné une interview où il dénonçait les comportements dangereux et déplacés de Tao Chantiminga. Ce matin, dans un communiqué, la direction du club soutient ces déclarations.

« Nous sommes totalement en accord avec notre entraîneur » ont-ils annoncé. « Nous confirmons que Tao Chantiminga était en effet fragile, impulsif et incapable de se comporter de façon réfléchie au quotidien. » Le club ajoute : « Ce joueur était une calamité pour le groupe. Il a entrepris de monter ses coéquipiers contre leur entraîneur (Rupert Barton, NDLR). Un tel individu est extrêmement difficile à gérer pour un club. »

Même si certains jugent cette polémique disproportionnée, Tao Chantiminga, qui avait réagi par l'intermédiaire de son attaché de presse en affirmant que Rupert Barton le calomniait, aura cette fois un peu plus de mal à démentir.

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