42/ Avec les compliments de Tao Chantiminga.

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 Je suis tiré de ma torpeur par une vive douleur à la main droite.

– Aïe !

Je me redresse d'un bond et vois un rat déguerpir en dérapant sur les ardoises.

– Sale bête.

Un peu hagard, je regarde autour de moi, suce mon doigt endolori. Cette satanée bestiole m'a fait mal, mais sans elle, j'allais m'endormir. À l'est, le ciel s'éclaircit. Pas moyen de savoir l'heure qu'il est.

Je suis venu me mettre en planque sur un toit devant le n°1274. Je veux suivre Oleg quand il ira porter son message. Ce sera ma dernière preuve.

Je saute sur mes pieds. Mon dos est ankylosé, ma tête bourdonne, mais je vois encore bien clair. En revanche, j'ai terriblement faim. Je n'ai rien avalé depuis hier matin.

De mon poste d'observation, contre une cheminée, je peux voir toute la rue. D'en bas, je suis indétectable. Mais ma cachette ne m'a pas protégé de l'humidité.

Une église sonne six heures. Oleg a probablement passé la nuit chez Lisa. Si je ne l'ai pas raté, il ne devrait plus trop tarder.

Une minute plus tard, Oleg sort de la maison, lance un regard méfiant aux alentours et s'éloigne d'un bon pas. Je me mets sur sa piste, depuis les toits. Il marche vite, mais ma position me permet de prendre des raccourcis.

Mes muscles engourdis par le froid se délassent, mon pas se fait plus sûr et rapide. Je prends de l'assurance, saute d'un toit à l'autre, atterris souplement, sans un bruit. Je retrouve un peu l'adrénaline des matchs, ça me galvanise, chasse ma fatigue.

Oleg ne se doute de rien. Il trace dans les rues, il sait parfaitement où il va. J'ai la sensation qu'il fait beaucoup de détours, mais je me trompe peut-être. Il tient un rythme de marathonien durant une demi-heure sans ralentir.

Au bout d'un moment, les maisons se clairsèment. Je suis obligé de descendre. Heureusement, Oleg ne se retourne qu'une seule fois. J'ai le temps de plonger derrière un arbre.

On finit par déboucher dans une zone industrielle en reconversion. Une partie des bâtiments a été détruite quelques années plus tôt et les fondations de futurs immarbres germent à la place. Une autre attend, croulante, que l'on s'intéresse à elle. Oleg la traverse entièrement et contourne les grues de chantiers. Je cours pour ne pas le perdre. Il se faufile entre les planches d'une palissade et arrive sur un terrain vague. Tout au bout, une voiture noire aux vitres teintées stationne.

Oleg s'arrête à mi-chemin. Je me dissimule derrière un reste de mur, une douzaine de mètres derrière lui. Il ne m'a toujours pas vu.

Un homme descend de la voiture. Il est trop loin pour que je distingue son visage, mais sa silhouette est celle du Président. Il traverse l'autre moitié du terrain vague, en zigzaguant pour éviter les flaques de boue. Il porte stupidement un costard et une cravate. Il n'est plus qu'à dix mètres d'Oleg, et je le vois clairement.

J'attrape le médaillon et pose mon index sur l'objectif. Une légère vibration m'indique que la caméra s'est réveillée.

Le Président salue Oleg, qui répond par un raide signe de tête. Il se penche légèrement en avant et je me concentre pour entendre.

– Elle m'a chargé d'un message pour vous, annonce Oleg.

Le Président semble perdre le peu de contenance qui lui restait.

– Le... lequel ?

Oleg s'amuse visiblement de la terreur du Président.

– Ne vous en faites pas, ce sont de bonnes nouvelles. Ma direction est très contente de vous. Vous avez – enfin – rempli votre contrat.

IMAGOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant