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27/Un cœur à prendre.

 – Je crois qu'on a atteint le point de non-retour, soupire Yann, assis à côté de moi sur le sable.

Nous sommes au pied des dunes, face aux vagues. À cet endroit, le littoral est redevenu sauvage et il y a peu de touristes au mois d'avril.

– Rupert m'a retiré le brassard. Il l'a donné à Ronny, principalement parce qu'il ne conteste pas ses ordres et qu'il se fiche absolument de toutes les horreurs que Rupert peut raconter sur Joe et toi.

Une rafale de vent salé lui ébouriffe les cheveux. Devant nous sur l'immense plage, Tim essaye d'apprendre un mouvement d'acrofoot à Lenni. Ce dernier, pieds nus et pantalon retroussé jusqu'aux genoux, l'écoute attentivement expliquer comment faire passer le ballon au-dessus de sa tête en le coinçant entre ses chevilles.

– Ronny n'a vraiment pas l'âme d'un capitaine, poursuit Yann, les yeux perdus dans l'océan. Il donne des ordres à tout le monde et se pavane comme un paon. Mais quand il s'agit de prendre ses responsabilités, il n'y a plus personne. Il reste deux matchs avant la fin de la saison et je pense que le titre va nous passer sous le nez.

– Tu exagères un peu, non ? L'équipe est excellente, même si elle est coachée par Rupert.

Yann me tapote le bras.

– Je crois que tu ne prends pas toute la mesure de la situation, Chouchou. Rupert a entrepris de nous couler tous. En tout cas, tous ceux qui te soutiennent, ou qui restent trop fidèles à Joe. Une sorte de purge. C'est comme s'il était en rivalité avec elle, même maintenant. Donc, moi, Tim, Julian, Kev', Angel. Ça fait pas mal de bons joueurs sur le banc. Et franchement...

Il me coule un regard en biais.

– On joue moins bien sans toi.

Je baisse le nez. Je ressens un mélange de fierté et de honte. J'apprécie le compliment de Yann, mais si je n'étais pas parti sur un coup de tête, peut-être que le club n'en serait pas là aujourd'hui. Yann me donne un coup d'épaule :

– Eh, ne fais pas cette face-là. Tu... Oh, qu'est-ce que c'est ?

Il désigne une forme qui vole dans notre direction. Je me penche en arrière pour mieux voir. C'est une feuille de papier emportée par le vent. Un peu plus bas sur la plage, Tim et Lenni l'ont vue aussi. Ils se lancent à sa poursuite tandis qu'elle s'en va vers l'océan. Finalement, d'un bond aérien, Tim s'en empare. Lenni le rejoint et ils s'absorbent dans la contemplation du papier. Puis ils se mettent à discuter en me désignant du pouce.

Yann se lève.

– On dirait que c'est intéressant.

Derrière lui, je dévale la petite dune où nous étions postés. Tim et Lenni rient ensemble à présent, la feuille à la main. Yann bouscule un peu Tim pour y jeter un coup d'œil.

– Eh, ça parle de toi, Chouchou !

Je m'approche. En effet. Par un hasard glorieux, cette feuille provient d'un journal sportif très populaire, Coup Franc. C'est l'un des derniers à être systématiquement imprimé, en raison de son grand nombre de lecteurs. Cette fois heureusement, pas d'Evania. Il est question de moi, et seulement de moi :

Tao Chantiminga au chômage.

À quoi Tao Chantiminga peut-il bien occuper ses journées ? À présent qu'il est libre de toute obligation, il doit bien faire passer son temps. Coup Franc a recensé pour vous les activités auxquelles il pourrait se livrer :

1. Chercher un nouveau club.

Maintenant qu'il est au chômage, Tao Chantiminga peut envisager son avenir et donc postuler un nouveau club. Connaissant son talent et sa réputation jusqu'à peu irréprochable, on se doute qu'il n'aura pas trop de mal à trouver des dirigeants voulant le recruter.