40/ La reine des Quartiers Sombres.

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 Le son de mes pas sur les pavés encore humides de l'averse d'hier soir résonnent dans la rue déserte. Je marche les yeux rivés sur mes pieds, pour résister à l'envie de me retourner. J'ai la sensation d'être suivi. C'est sans doute vrai. Je ne suis qu'à une centaine de mètres de la maison de Lisa et j'ai probablement été repéré.

Je tourne à l'angle du mur, vérifie qu'Evania ne dort pas. J'aurai besoin d'elle, une fois à l'intérieur.

La maison est calme. Les volets des étages sont ouverts. Je monte les deux marches du perron et actionne la sonnette. J'essaye de contrôler ma respiration. De ne rien laisser paraître.

La porte s'ouvre sur une femme que je n'ai jamais vue.

– Oui ?

– Je voudrais voir Lisa. Dites-lui que c'est de la part de Tao.

La femme referme et je l'entends s'éloigner dans le hall. Au bout d'une trentaine de secondes, elle revient accompagnée d'un homme coiffé d'un catogan poivre et sel. Il tient un objet clignotant dans la main droite. Mon pouls s'accélère quand je comprends de quoi il s'agit.

Un détecteur. J'ai sous-estimé la méfiance de Lisa.

Sans un mot, l'homme au catogan me fait signe d'avancer. Les muscles crispés, j'obéis. Je me retrouve dans une sorte de sas éclairé par un luminaire bleuté. La porte se referme dans mon dos.

Avec un professionnalisme un peu ostentatoire, l'homme me fait écarter les bras et promène son détecteur autour de moi. L'engin bipe régulièrement, et je prie intérieurement pour qu'il ne sente pas la caméra.

Arrivé au niveau du médaillon, l'homme marque temps d'arrêt.

– C'est quoi ?

Je réponds, maîtrisant ma voix qui menace de trembler :

– Un collier.

Il esquisse un sourire goguenard et s'en saisit pour l'examiner de plus près. Je ne bronche pas.

– C'est du beau travail, déclare-t-il contre toute attente. L'œuvre d'un véritable artiste.

Je lui jette un regard en biais. Qu'est-ce qu'il est en train de me dire ?

Finalement, il le lâche et termine tranquillement son examen. Puis il s'écarte et dit avec un signe de tête approbateur :

– Il est clean.

J'essaye de ne pas soupirer de soulagement. Ils repartent, lui et la femme, après m'avoir signifié de ne pas bouger. J'entends la seconde porte du sas claquer. La caméra est passée à travers les mailles du filet.

Après une attente infinie, une voix sortie de nulle part me fait sursauter.

– Tao.

Je pivote brusquement. Lisa est coiffée d'un turban bordeaux et or qui souligne son sourire suffisant. Par où est-elle arrivée ?

– Je t'attendais, Tao. Suis-moi.

Dans la grande entrée, l'épais tapis étouffe nos pas. Le lustre pend au plafond. Il y a des bougies posées sur les meubles en bois vernis.

Lisa monte l'escalier de bois ouvragé. Les marches ne grincent pas. Je lutte contre mon sentiment d'oppression. Lisa ouvre une porte et me fait signe d'entrer. La pièce ressemble à un petit salon comme on en trouvait dans les maisons royales. Des sofas tendus de velours et des ornements en plâtre. Une lampe diffuse une lumière chaleureuse. Lisa s'assied et m'invite à faire de même.

– Je savais que tu viendrais me trouver.

La femme qui m'a ouvert tout à l'heure revient avec un plateau. Elle le dépose devant nous sur la table basse. Une théière et deux tasses en porcelaine. « Dommage que Lenni ne soit pas là », commente Evania, mais je ne suis pas d'humeur à rire.

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