24(2/2)/ Le troc.

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 Sur le chemin du retour, je marche vite, les yeux fixés sur mes pieds. Il fait assez froid et j'en viens presque à regretter de ne pas avoir pris ma voiture.

Je ne suis pas certain d'avoir convaincu mes ex-coéquipiers de l'assassinat de Joe, mais au moins, j'ai obtenu de l'aide. Celle qui me manquait. Ça faisait un moment que je me disais qu'il fallait surveiller Rupert. Mais à part ça ? Il va falloir que j'agisse, maintenant. Comment ? Par où commencer ?

– Tao, attends-moi !

Je me retourne. Lenni me rattrape tant bien que mal, le souffle court. Je ne m'étais pas aperçu que je marchais aussi vite.

– Désolé.

Lenni secoue la tête.

– Ce n'est pas toi, c'est juste que je suis fatigué, je n'arrive pas à marcher plus vite. À cause d'elle...

Elle. Sa maladie. Je répète, naïvement :

– Désolé. J'avais oublié.

Il sourit.

– C'est pas grave. Il faut juste que tu m'attendes un peu.

On repart, mais plus lentement, côte à côte. Lenni marche en silence une dizaine de minutes, puis brusquement agite les bras en criant :

– Bowie ! Come !

Je lève le nez. Zut, le piaf. Il plonge en piqué vers Lenni et je fais un pas de côté par précaution. Il se pose sur son épaule et s'écrie :

– Let's dance !

Ce doit être en effet sa réplique favorite. L'air ravi, Lenni ne fait pas attention à mon regard morose.

– C'est bien, Bowie, où étais-tu ?

– Crââââ !

Lenni m'adresse une grimace :

– On n'en tirera pas grand-chose de plus, je crois.

Le piaf se tient coi jusqu'à mon immarbre. Là, il décide finalement de s'envoler pour aller se percher sur le rebord de la fenêtre de ma salle de bain, au cinquième.

– Ce qu'il est intelligent, dit Lenni.

Je lève les yeux au ciel et entre dans l'immarbre. J'y trouve Madame Rodriguez, qui trimbale un gros sac.

– Ah, Tao, s'exclame-t-elle, parfait, j'allais justement chez toi. Tiens.

Elle me met le sac dans les bras. Il n'est pas aussi lourd que je l'ai cru au premier abord, et son contenu est mou.

– C'est pour Lenni, précise Madame Rodriguez.

J'ouvre le sac. Des vêtements. Lenni plonge la main dedans et en tire un sweat-shirt à capuche gris qu'il examine sous toutes les coutures, ahuri. Je contemple Madame Rodriguez avec des yeux ronds.

– D'où sortez-vous ça ?

Elle me tapote l'épaule.

– De quelque part. Un ami me les a donnés pour les envoyer à une association, consent-elle à préciser. Mais je me suis dit que ça pourrait vous être utile.

Lenni, qui entre-temps a enfilé le sweat, lui dédie un sourire éclatant.

– Merci beaucoup. Vous êtes trop gentille avec moi.

Madame Rodriguez laisse échapper un petit rire.

– Profite-en, ce n'est pas le cas avec tout le monde. Ah, et j'ai encore ça pour toi.

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