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3/ Le papillon

 Sur le rebord de la fenêtre, une jeune fille blonde avec de très longs cheveux, vêtue d'une tunique à rayures rouges, d'un legging noir et de baskets bordeaux me regarde, souriante.

Elle éclate de rire devant mon air ahuri. Je balbutie :

– Qui... qui êtes-vous ?

– Moi ?

Sa voix rieuse me rappelle quelque chose. La berceuse.

– Vous... c'est vous qui m'avez sorti de la voiture, c'est ça ? Vous m'avez sauvé la vie. Puis vous avez disparu.

Elle penche la tête.

– Je n'avais pas disparu, Tao. J'étais là.

Elle tend un ongle orange vers ma poitrine. Je baisse les yeux sur ma peau désormais vierge de tout tatouage. Une explication me vient à l'esprit, mais elle est folle, vraiment folle.

– Vous êtes... le papillon ?

Elle rit encore.

– Si tu veux. Qui sait ?

Je secoue la tête et mes neurones se mettent à tinter.

– Qui t'envoie ?

Elle se tapote le menton du bout du doigt.

– Je ne peux pas te dire qui m'envoie. Je ne suis même pas sûre de le savoir. Disons que je m'envoie moi-même.

Elle prend un visage très sérieux.

– Je suis là pour veiller sur toi, Tao.

– Veiller sur moi ?

La personne qui veille sur moi, d'habitude, c'est Joe.

– Tu veilles... déguisée en tatouage ?

– Déguisée est un mot intéressant. Disons que c'est un très bon moyen de passer inaperçue. Mais je peux aussi prendre corps, tu vois ?

Elle tourne sur elle-même d'un mouvement gracieux.

– Tu... tu vas rester longtemps ?

– Autant qu'il le faudra.

– Qu'il le faudra pour quoi ?

– Pour que je décide de partir.

C'est très vague.

– Et... comment tu t'appelles ?

Elle a l'air très surprise.

– Je ne m'appelle pas.

Je reste incrédule.

– Tu ne peux pas ne pas t'appeler, tu dois bien avoir un nom ?

Elle tortille ses cheveux entre ses doigts, l'air boudeur.

– On ne m'en a pas donné.

Qui ça, « on » ?

– Il faut t'en trouver un, alors. Je ne peux pas rester à parler avec quelqu'un qui ne s'appelle pas.

Je sors de la salle de bain. Elle me suit en sautillant. Je vais dans le salon et me plante devant la bibliothèque. J'attrape un livre ; L'encyclopédie des prénoms. Un cadeau inutile de Madame Rodriguez. Elle me regarde, intriguée.

– Je vais faire défiler très vite les pages, et poser le doigt au hasard. Je te donnerai le nom sur lequel je tomberai. OK ?

Elle bat des mains.

– C'est une chouette idée !

Je ferme les yeux et plaque mon doigt sur une page.

– Alors, alors, c'est quoi ?